Une pétition de 1 000 signatures de professionnel.e.s et expert.e.s de la santé pour l’assurance-médicaments publique et universelle
La pétition s’adresse au premier ministre Justin Trudeau, à la Vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland et au ministre de la Santé Jean-Yves Duclos.
Cette pétition représente un effort considérable de la part du professeur Steve Morgan, grand spécialiste du Canada pour ce qui est du programme d’assurance-médicaments.
Sa recherche a suscité un débat national sur la façon dont un régime d’assurance-médicaments peut offrir à tous les Canadiens et les Canadiennes l’accès à des médicaments sur ordonnance adéquatement prescrits, à un prix abordable et financés équitablement.
Le Dr Morgan a publié plus de 150 rapports de recherche révisés par des pairs et a obtenu plus de 4 millions de dollars en subvention de recherches révisés par des pairs. Il offre régulièrement des conseils d’orientation stratégique aux gouvernements de partout au Canada et il a siégé à des comités consultatifs d’organismes internationaux, comme l’Organisation mondiale de la Santé et l’OCDE.
Les 1 000 signataires de la pétition, dont le Dr Joel Lexchin, membre respecté du conseil d’administration de la Coalition canadienne de la santé, se réjouissent de l’entente entre le NPD et les libéraux, une entente de soutien et de confiance, intitulée « Obtenir des résultats dès maintenant pour les Canadiens », qui devrait durer jusqu’à l’ajournement du Parlement en juin 2025.
Selon l’entente, les partis devront « continuer de progresser vers la mise en œuvre d’un régime universel d’assurance-médicaments en adoptant la Loi sur l’assurance-médicaments du Canada d’ici la fin de 2023, puis en chargeant l’Agence nationale des médicaments d’élaborer un formulaire national de médicaments essentiels et un plan d’achat en gros d’ici la fin de l’entente. »
Par contre, les 1 000 signataires de la pétition déplorent les délais de mise en place.
Selon Marc-André Gagnon, professeur de politique publique à l’Université Carleton, et signataire de la pétition, dans un article du Devoir qui accompagne la sortie de la pétition, le Québec risque d’y voir une menace d’empiétement de la part du gouvernement fédéral sur ses compétences en santé, mais les choses sont plus compliquées.
Le professeur Gagnon explique que le gouvernement fédéral a le pouvoir sur le médicament de deux manières : c’est à lui d’approuver les médicaments (rôle de Santé Canada) et le prix des médicaments brevetés est régulé par la loi sur les brevets.
Fait surprenant, ajoute M. Gagnon, dans les dernières années, alors qu’un même médicament breveté coûtait 23 % de plus au Canada que dans les autres pays de l’OCDE, c’est plutôt le gouvernement du Québec qui a cherché à empêcher le gouvernement fédéral de réduire les prix des médicaments brevetés.
Il est bien connu que le régime québécois d’assurance-médicaments, le seul au Canada, ne fonctionne pas bien. Mis en place il y a 25 ans, il repose sur des régimes d’assurance privée obligatoire.
« Le système est fragmenté et dysfonctionnel, mais très lucratif pour les assureurs privés (payés au pourcentage des dépenses) et les chaînes de pharmacie (qui abusent des honoraires professionnels des régimes privés et accaparent des marges substantielles sur les produits génériques).
Les compagnies pharmaceutiques s’en donnent aussi à cœur joie en faisant la promotion de leurs produits les plus chers, puisque la plupart des régimes privés acceptent de rembourser n’importe quoi à n’importe quel prix. À bien des égards, le marketing pharmaceutique auprès des médecins détermine davantage les habitudes de prescription que les données probantes », selon le professeur Gagnon.
Au Québec, nous rappelle M. Gagnon, le coût par habitant en médicaments est 10 % de plus que dans le reste du Canada, et au Canada, il en coûte 42 % de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Seuls les États-Unis font pire que le Québec en matière de coût par habitant. Mais payer plus cher ne signifie pas avoir un meilleur accès : avec plus de 8 % des Québécois qui ne peuvent pas obtenir leurs médicaments pour des raisons financières, on se classe parmi les pires pays de l’OCDE en matière d’accès.
M. Gagnon termine son plaidoyer en disant le Québec peut établir seul un bon régime public universel d’assurance-médicaments sans l’aide d’Ottawa. Toutefois, les structures et les incitatifs actuels du régime posent un obstacle institutionnel important.
« Le gouvernement fédéral a mis une offre sur la table qui permettrait au Québec d’augmenter l’accès aux médicaments et de réduire ses coûts, tout en lui permettant d’adapter le régime selon ses besoins. Avant de dire non, peut-être devrait-on prendre le temps de discuter… », termine M. Gagnon.