Plus de 600 médecins québécois se sont complètement retirés de l’assurance maladie
Plus de 600 médecins québécois se sont complètement retirés de l’assurance maladie, entraînant avec eux en médecine privée à but lucratif leurs patients — dont 4 % des médecins généralistes au Québec.
Une excellente enquête du Globe and Mail montre qu’un nombre croissant de médecins, dont un nombre grandissant de généralistes québécois se sont complètement retirés du système de santé public.
Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, le Québec a un modèle différent.
Nebosjsa Kovacina, chercheur pour OurCare, un projet de recherche pancanadien sur l’avenir des soins primaires, estime que la situation a atteint des proportions de crise au Québec.
Au printemps 2023, selon le Globe, il y avait 642 médecins québécois non participants : 432 médecins de famille, soit 4 % des médecins généralistes. En 2012, il y avait 280 médecins qui se sont complètement exclus, dont 195 médecins de famille, soit environ 2 %.
Selon l’enquête, il y a aujourd’hui au Québec de nouveaux médecins qui quittent le système public presque immédiatement après avoir obtenu leur diplôme.
Au Québec, il existe trois catégories de médecins : ceux qui pratiquent à l’intérieur du système (les engagés), ceux qui pratiquent à l’extérieur du système, mais qui facturent le système (les désengagés), et ceux qui sont complètement en dehors du système (les non participants).
Le Québec a été la dernière province à adopter l’assurance maladie en 1968, face aux objections véhémentes des médecins, en particulier des spécialistes.
Les spécialistes québécois qui s’opposaient à l’assurance maladie ont fait la grève en 1970, puis ont été contraints de reprendre le travail. Pour calmer le jeu, le gouvernement québécois a proposé une approche nouvelle et unique.
Ce qui a créé trois catégories de médecins. Les médecins peuvent travailler avec la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou se retirer de la facturation de l’assurance maladie — sauf qu’ils doivent facturer des tarifs publics pour que les patients puissent être éligibles à un remboursement. Les médecins qui ne souhaitaient aucune restriction en matière de facturation entraient dans une troisième catégorie, restant totalement en dehors du système public — mais leurs patients ne pouvaient pas faire de demande de remboursement auprès de la RAMQ.
Selon Tu Thanh Ha et Yang Sun du Globe, cette dernière catégorie s’est considérablement élargie ces dernières années, avec environ 600 médecins québécois travaillant dans des cliniques privées à but entièrement lucratif, où les patients paient tous les services de leur poche.
Ce groupe « non participant » est familièrement connu sous le nom de ceux qui sont « allés au privé ». Ce terme désigne à la fois les médecins et les patients.
Il y a environ 12 médecins qui ont choisi de devenir des non participants, ou de se retirer complètement du système de soins de santé, dans l’ensemble du reste du Canada.
Isabelle LeBlanc, médecin généraliste qui enseigne à McGill, a déclaré au Globe que ces médecins et cliniques entièrement privées s’intéressent davantage aux patients les plus sains et les plus riches, tandis que les patients les plus malades et les plus pauvres sont laissés en attente de soins dans un système public de plus en plus dépourvu de personnel.
La Dre Leblanc est l’ex-présidente d’un groupe de médecins québécois qui milite en faveur d’un système public de santé au Québec.
Les Médecins Québécois pour le régime public (MQRP) ont donc demandé au gouvernement du Québec d’appliquer les articles 30 et 30.1 de la Loi sur l’assurance maladie du Québec pour corriger cette situation.
En d’autres termes, la Loi sur l’assurance maladie du Québec donne au ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, le droit d’intervenir s’il juge qu’il y a trop de médecins non participants, de suspendre le droit de se retirer de la RAMQ ou d’exiger des médecins privés qu’ils pratiquent des tarifs d’assurance maladie afin que les patients puissent être remboursés par le régime public.
Interrogé par le Globe, le cabinet du ministre Dubé a refusé de préciser le nombre de médecins non participants qu’il faudrait compter pour qu’il prenne une telle décision.
Un Québécois sur cinq n’a pas accès aux soins primaires. Selon Statistique Canada, un Québécois sur cinq n’a pas de médecin traitant ou d’infirmière praticienne qu’il pourrait consulter régulièrement, contre environ un sur dix dans le reste du Canada.
Depuis l’introduction de l’assurance maladie au Canada, de nombreux médecins se sont opposés aux régimes d’assurance publique, estimant qu’ils limiteraient leur liberté d’exercer et de facturer les honoraires qu’ils jugent appropriés. Cette tension a donné lieu à de nombreuses grèves de médecins.
Les provinces ont apaisé les médecins en leur permettant soit de facturer un montant supérieur à celui couvert par l’assurance maladie, soit de les laisser travailler en dehors du système public et de faire en sorte que les patients soient remboursés par l’assurance publique.