Les soins dentaires d’entreprise sont en plein essor. Il est temps de rendre les soins dentaires universels
La Coalition for Dentalcare demande aux libéraux de mener à bien la dernière phase du Régime de soins dentaires canadien (RSDC), qui couvre 5 millions de personnes âgées de 18 à 64 ans, avant les prochaines élections fédérales. À partir de là, nous devons exploiter le succès du PCSD pour résoudre d’autres problèmes systémiques des soins dentaires. Si le RSDC a permis d’augmenter le financement public des soins dentaires, la prestation de ces soins reste problématique.
Ces dernières années, de plus en plus de Canadiens et Québécois remarquent des ventes incitatives de la part de leurs dentistes, les services de luxe et les services cosmétiques sont désormais davantage mis en avant et, dans certains cas, les patients signalent une augmentation soudaine du nombre de caries détectées. Certains experts s’interrogent sur le rôle joué par la consolidation des cliniques dentaires, car ces tactiques permettraient d’accroître les profits des sociétés dentaires.
Qu’est-ce les soins dentaires d’entreprise et pourquoi existent-t-iils?
Les soins dentaires d’entreprise sont le résultat du rachat de cabinets dentaires par des sociétés dentaires, souvent soutenues par des fonds d’investissement privés, ce qui permet à ces dernières de prendre le contrôle de l’administration du cabinet dentaire (embauche, licenciement, comptabilité, etc.). Les patients ne sont informé et donc pas conscients de cette tendance, car ce rachat s’effectue souvent sans changement extérieur de la clinique dentaire et sans que cela ne soit annoncé.
Selon un article paru en 2023 dans la revue Jacobin :
Malgré des données limitées, les experts estiment que les soins dentaires d’entreprise se développent rapidement, en particulier chez les nouveaux dentistes. Les nouveaux dentaires terminent leur formation avec beaucoup de dettes donc sont moins susceptibles de contracter un autre prêt pour acheter ou créer un cabinet dentaire, ce qui les rend vulnérables au chant des sirènes des investisseurs. Ce financement par les entreprises fait grimper les prix des soins dentaires le coût des cliniques dentaires, créant ainsi une boucle de Möbius auto-entretenue de l’influence des entreprises. Par conséquent, les nouveaux dentistes cherchent souvent à travailler dans une clinique bien établie avec un flux régulier de patients afin de pouvoir rembourser leurs dettes d’études.
De nombreux dentistes plus âgés sont prêts à prendre leur retraite et souhaitent vendre leur cabinet dentaire, mais de moins en moins de jeunes dentistes sont aptes et prêts à acheter ces cliniques. Il s’agit là d’une opportunité à saisir pour les investisseurs extérieurs de racheter des cabinets dentaires. Les cabinets dentaires sont attrayants pour les investisseurs parce que les cabinets dentaires sont extremmement profitable. Un avocat d’affaires travaillant dans ce domaine affirme que le retour annuel sur investissement est souvent de 15 % par an.
Comparer les sociétés dentaires américaines et canadiennes
Aux États-Unis, les sociétés dentaires représentent 25 à 40 % des cliniques dentaires, et les experts affirment que le Canada suit lla même tendance mais avec 10 ans de retard. La plus grande société dentaire du Canada, Dentalcorp, possède 550 cabinets et est sur le point d’acquérir 160 autres cliniques, selon un rapport d’investisseurs datant de 2024. Cela signifie qu’un seul société dentaire possède 3 à 4,5 % des cliniques dentaires du Canada et du Québec.
En 2018, le capital-investissement a fourni 900 millions de dollars américains à la Dental Corporation of Canada et l’année suivante, 425 millions de dollars à 123 Dental. Ces investissements importants peuvent exercer une pression excessive sur les prestataires, qui sont parfois personnellement investis dans ces sociétés dentaires, afin qu’ils génèrent suffisamment de revenus pour rembourser cette dette.
J’ai eu des collègues qui ont travaillé avec des entreprises dentaires m’ont fait part de leurs frustrations face aux attentes d’une productivité élevée. On leur a dit qu’on attendait d’eux qu’ils fassent fonctionner deux ou trois fauteuils à la fois.
Une enquête réalisée auprès de dentistes canadiens a révélé que ceux qui se considèrent comme des hommes d’affaires plutôt que comme des fournisseurs de soins de santé, ainsi que ceux qui remboursent encore des prêts étudiants, sont plus susceptibles d’être « agressifs dans leurs recommandations de traitement ».
Avec une approche de traitement plus agressive, un dentiste peut diagnostiquer plus de caries que nécessaire et promouvoir de manière agressive d’autres soins dentaires, les procédures de luxe et cosmétiques qui ne sont pas médicalement nécessaires. Il s’agit de conseiller des traitements tels que les facettes, les implants, le redressement des dents, le blanchiment et le « remplacement de vieux plombages au mercure ».
Aux États-Unis, les sociétés dentaires Kool Smiles et Small Smiles ont dû restituer chacune 24 millions de dollars à leurs patients après qu’un dénonciateur a parlé au ministère américain de la justice de l’escroquerie dont elles se rendaient coupables auprès de Medicaid. Il existe de nombreux autres exemples révèlent des cas de surtraitement et de facturation frauduleuse au sein des sociétés dentaires américaines. Étant donné que les experts affirment que le Canada suit la tendance américaine vers la consolidation des cliniques dentaires, il est important que nous tirions les leçons de leurs erreurs et que nous corrigions le tir.
Conclusion
Des millions de Canadiens se réjouissent d’être couverts par le PCSD, mais il ne faut pas oublier que, comme l’a déclaré le député néo-démocrate Don Davies, « le Régime canadien de soins dentaires doit être considéré comme un acompte sur un éventuel système universel ». La couverture doit être universelle, sans ticket modérateur. Le gouvernement peut mettre un terme à la prise de contrôle des cabinets dentaires par les entreprises en nationalisant les soins dentaires ces cliniques et leur permettre de se concentrer sur l’amélioration de la santé publique.
