Les défis de capacités d’hôpitaux datent d’avant la pandémie, partie II
Il s’agit de la deuxième partie d’une série qui examine les obstacles politiques et solutions afin de réduire les temps d’attente en chirurgie au Canada. Les séries ont été adaptées d’un document de recherche par Andrew Longhurst. Le document au complet avec une liste de références pour les notes de bas de page est disponible ici.
Le problème de la pression constante exercée par la COVID sur les hôpitaux est aggravé par le fait que le Canada dispose de l’un des plus petits nombres de lits de soins aigus par habitant par rapport aux autres pays de l’OCDE, et un manque de services de soins à domicile et de soins communautaires financés par des fonds publics, en particulier pour les personnes âgées. D’un point de vue critique, il ne s’agit pas simplement d’espace physique, mais aussi la main-d’œuvre nécessaire pour doter les lits de soins aigus.
Le Canada se place 31 de 38 pays de l’OCDE lorsqu’il s’agit de lits de soins aigus par population (Tableau 1). À 7,7 lits pour soins aigus par 1 000 personnes, nous sommes de manière importante en dessous de la moyenne de l’OCDE de 14,7 par 1 000 personnes. [1]. Le classement au bas de l’échelle du Canada parmi les pays de l’OCDE pour les lits par personne n’est pas nécessairement problématique si les hôpitaux pouvaient maintenir les taux d’occupation plus bas et un flux de patients efficace. Cependant, les hôpitaux de taille moyenne et grande avaient des taux d’occupation en moyenne de 88 pour cent en 2019/20 (Tableau 2).
Tableau 1: Lits de soins aigus (curatifs) pour 1 000 dans les pays de l’OCDE, 2020 ou dernières données disponibles
Source: OCDE, 2022a
Des taux d’occupation en dessous de 85-90 pour cent sont recommandés afin de maintenir le flux de patients, les temps d’attente et la sécurité du patient.[2]. Lorsque les taux d’occupation sont près de 100 pour cent, la surpopulation hospitalière peut avoir un impact sur les conditions de travail et la qualité de soins aux patients, ce qui rend le contrôle d’infection plus difficile.[3]. Une revue systématique a découvert que neuf de 12 études, « les taux d’occupation de lits et le manque de personnel influencent directement l’incidence des infections contractées à l’hôpital. »[4] Et une étude canadienne a également conclu qu’une croissance d’occupation hospitalière est « fortement associer avec la durée du séjour de patients admis au service d’urgence [et que] augmenter la disponibilité de lits d’hôpital pourrait réduire le surpeuplement au services d’urgence. »[5]
Tableau 2 : Taux d’occupation des grands hôpitaux, des hôpitaux de taille moyenne et des hôpitaux universitaires, 2019/20
Le surpeuplement et la pénurie de lits étaient communs avant la pandémie. En Ontario, une enquête de CBC a découvert que 83 hôpitaux fonctionnaient à plus de 100 pour cent capacités pour plus de 30 jours, 39 hôpitaux ont touché le 120 pour cent capacités ou au-delà pour au moins une journée et 40 hôpitaux ont atteint une moyenne de 100 pour cent ou plus.[6] Lorsque les hôpitaux sont en surcapacité, il en résulte une « médecine en couloir » où les patients demeurent dans les services d’urgence parce que tout le personnel et les lits d’hospitalisation sont occupés. Encore une fois, la dotation est le plus souvent le facteur limitant. Dans plusieurs cas, les hôpitaux ont les lits, mais pas le personnel nécessaire.
La pandémie a imposé des contraintes supplémentaires et sans précédent sur les hôpitaux et la main-d’œuvre, entrainant l’annulation de soins prévus, y compris des chirurgies et des tests diagnostiques. Cependant, ces défis de capacité sont aggravés par le nombre de personnes âgées sans accès aux foyers de soins et aux soins communautaires financés par des fonds publics.
Accès limité aux foyers de soins et soins communautaires
Une diminution à l’accès aux foyers de soins et aux soins communautaires financés par le gouvernement contribue au temps d’attente de chirurgies. Ce sujet – appelé autre niveau de soins (ANS) – est le signe d’un système de soins aux personnes âgées fragmenté, sous-financé et privatisé. ANS réfère aux patients qui ne peuvent pas quitter l’hôpital en raison du manque de lits ou l’appui approprié dans la communauté n’est pas disponible, y compris les soins à long terme, résidences pour personnes âgées, logement accompagné, ou vivre de manière indépendante avec un soutien à domicile.
Le manque de logement disponible et de soins communautaires signifie que les patients, souvent des personnes âgées avec des besoins de soins complexes, demeurent dans les hôpitaux comme des ANS patients, car ils ne peuvent pas quitter l’hôpital. En 2020/21, une moyenne de 24 pour cent de jours d’hospitalisation des patients au Canada était des jours d’ANS, y compris 26 pour cent en Ontario, 20 pour cent en Colombie-Britannique et 38 pour cent en Manitoba (Tableau 2). Ceci signifie que près d’un quart de soins aux patients fournis dans les hôpitaux (mesurés comme des jours d’hospitalisation) fut le résultat de patients qui ne pouvait pas quitter l’hôpital et être pris soins en sécurité dans des environnements domestiques ou communautaires appropriés.
Un aperçu plus détaillé des soins à domicile et des soins à long terme dévoile une situation désastreuse. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de Statistique Canada a trouvé qu’en 2015/16, plus d’un tiers (35,4%) des gens a besoin de soins à domicile (approximativement 433 000 personnes) et leurs besoins n’ont pas été comblés.[7] Les besoins non satisfaits étaient plus fréquents chez les personnes ayant besoin d’une aide à domicile (c.-à-d., aide personnel non médical) comparativement aux besoins de soins de santé (c.-à-d., services professionnels de soins de santé). La disponibilité était plus souvent la barrière pour obtenir des services de soins à domicile, spécialement pour les besoins non satisfaits en matière de soins de santé professionnels. Les personnes à revenus plus faibles sans assurance privée étaient plus susceptibles d’avoir des besoins de soins non satisfaits, démontrant l’importance de soins à domicile financé par des fonds publics.
Malheureusement, il y a un manque de données afin de comprendre la situation actuelle au Canada. Les données des espaces de soins à long terme au Canada ne sont plus collectées par Statistique Canada ou Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).[8] Cependant, des comptes rendus médiatiques et des rapports de recherche ont documenté un déclin d’accès dans plusieurs provinces, y compris la Colombie-Britannique et l’Alberta.[9]
Tableau 2: Nombre moyen de jours-patients dans un autre niveau de soins (ANS)(%), 2020/21
- Lire le reste de la série de solutions par Andrew Longhurst, une série de 11 articles sur les moyens de réduire les temps d’attente en chirurgie au Canada.
Traduction par le Syndicat du Nouveau-Brunswick
[1] OCDE, 2022a.
[2] Les taux d’occupation sont calculés par le nombre de lits occupés divisés par le nombre de lits disponibles, multipliés par 365 jours. Les taux d’occupation prépandémie sont utilisés, car plusieurs des régies de santé ont annulé des soins prévus afin de libérer des lits et du personnel. Ainsi, les taux d’occupation d’hôpitaux pour 2020/21 n’ont pas été utilisés.
[3] Bagust et collab., 1999; Forster et collab., 2003.
[4] Kaier et collab., 2012.
[5] Ibid.
[6] Forster et collab., 2003.
[7] Crawley, 2020.
[8] Gilmour, 2018, p.8.
[9] Enquête sur les établissements de soins de longue durée de Statistique Canada a pris fin suivant l’enquête de 2014.
[10] McGregor et Ronald, 2011, p.10; Campanella, 2016; Longhurst, 2017.