Le Dr Eric Hoskins est plus optimiste que jamais au sujet de l’assurance-médicaments à l’échelle nationale
Reprise d’un entretien qui est paru dans iPolitics le 29 mars 2022, par Jessica Smith-Cross, Rédactrice en chef, iPolitics.
Cet entretien a été modifié pour le raccourcir et le simplifier.
Vous pouvez lire l’intégralité de l’entretien ici :
https://www.ipolitics.ca/news/eric-hoskins-is-more-optimistic-about-national-pharmacare-than-ever
Introduction :
Le Dr Eric Hoskins a présidé le conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments annoncé dans le budget de 2018. Dans le rapport qu’il a présenté en juin 2019, le conseil propose des recommandations portant sur les mesures que le gouvernement fédéral devrait prendre.
De 2014 à 2018, le Dr Hoskins a été le ministre de la Santé de l’Ontario sous le gouvernement de la première ministre Kathleen Wynne et il a piloté la mise en place d’un programme d’assurance-médicaments universel et gratuit pour les jeunes, qui s’appelait OHIP+
iPolitics est entré en contact avec lui pour savoir ce qu’il pense que signifie l’accord de confiance et d’appui du Parti libéral et du NPD pour l’assurance-médicaments au Canada. Voici une entretien abrégé qui a eu lieu entre Jessica Smith-Cross et le Dr Hoskins.
Q « La première question est facile. Pourquoi tenez-vous tant à l’assurance-médicaments?
Les Canadiens et les Québécois dépensent un montant d’argent énorme pour les médicaments sur ordonnance, qui se rapproche des 40 milliards de dollars par année. Ce montant se compare à ce que les hôpitaux dépensent sur les soins de santé. À cause de ces dépenses énormes, nous sommes confrontés à des iniquités incroyables.
Quand nous faisions le travail du conseil consultatif, nous avons découvert qu’environ une famille sur cinq ne prenait pas de médicaments sur ordonnance, parce qu’elle n’avait pas les moyens de les payer. Nous avons entendu le témoignage de familles qui avaient dû réduire leurs dépenses en nourriture et chauffage pour subvenir à leurs besoins en médicaments et boucler leur budget.
Nous avons vu de grandes variations à travers le pays. Les médicaments pour le cancer ou les maladies rares étaient couverts dans certaines provinces, mais pas dans d’autres. Nous avons rencontré des familles qui déménageaient d’une région du pays à une autre, uniquement pour avoir accès à des médicaments couverts par le régime provincial qui sauveraient la vie de leurs enfants.
Cela donne un système — ou faute d’un système —dans lequel beaucoup, beaucoup de personnes sont incapables de se procurer les médicaments prescrits par leurs prestataires de soins de santé. Ce qui accroît le fardeau de la maladie pour ces individus, leurs familles et la société. Et cela, on peut y remédier avec l’assurance-médicaments.
En plus, nous pouvons le faire et sauver des milliards de dollars en ayant un système à payeur unique qui peut négocier des achats en gros des sociétés pharmaceutiques. Nous ferions des économies en dépenses liées à la santé, parce que les gens ne tomberaient pas malades et ne seraient pas hospitalisés. Donc, il y a toutes sortes de bonnes raisons de le faire.
Q Pourquoi l’aspect universel est-il si important?
Au conseil consultatif, nous avons découvert que près de 40 % des personnes qui n’avaient pas les moyens de payer leurs médicaments étaient couverts par certaines formes d’assurances privées, mais elles devaient débourser d’importantes quotes-parts, des franchises, elles faisaient face à des limites annuelles et des garanties maximales à vie.
Donc, le défi de se procurer des médicaments ne se limitait pas à ceux et celles qui n’avaient pas d’assurances privées.
C’est pourquoi nous (le gouvernement Wynne) avons fait en sorte que tous ceux qui avaient moins de 25 ans seraient inclus dans notre programme, le OHIP+, peu importe la situation de leurs parents au point de vue de l’assurance.
Mais surtout, nous souhaitions axer l’accès à l’OHIP+ sur le besoin, et non pas sur la capacité à payer. C’est la façon dont notre système de santé fonctionne, n’est-ce pas? Si on est malade et qu’on se rend à l’urgence, ou qu’on a besoin d’être hospitalisé, on s’occupe de nous, peu importe ce dont nous avons besoin, pas selon notre capacité à payer.
Q Je pense que les attentes par rapport à ce qui devait être dans le budget 2020 étaient élevées, mais nous avons été confrontés à la pandémie, et il n’y a pas eu de budget. Ensuite, il y a eu le budget de 2021 et la plateforme libérale n’a pas beaucoup parlé de l’assurance-médicaments. Étiez-vous déçu?
Il va sans dire que la pandémie a perturbé beaucoup, beaucoup de choses, et il faut en tenir compte.
Regardons ce que le fédéral a fait. Il a devancé la stratégie pour les médicaments pour les maladies rares, qui était l’une de nos recommandations. Il a établi un bureau de transition au sein de Santé Canada pour créer un organisme national chargé des médicaments, qui serait responsable de tout ce qui est relié à l’assurance-médicaments et aux médicaments sur ordonnance.
Et enfin, il y a l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS), un organisme indépendant sans but lucratif qui œuvre à la tâche de créer une liste nationale des médicaments. Ce sont trois étapes, que l’on a entreprises pendant la pandémie, et qui font avancer la cause de l’assurance-médicaments.
Avec cette entente entre les libéraux et le NPD, ce qui m’enchante particulièrement est l’engagement à adopter une loi à part entière portant sur l’assurance-médicaments, qui suivrait les principes de la Loi canadienne sur la santé, mais qui serait une loi en soi. Tout le reste de la mise en application devra se faire d’ici 2023.
(Note de la rédaction : L’entente priorise une loi sur l’assurance-médicaments universelle d’ici 2023, en donnant comme mandat à l’Agence canadienne du médicament de développer une liste de médicaments essentiels et un plan d’achat en gros avant la fin de l’entente en 2025.)
Donc, je suis ravi que le rythme s’accélère, mais le gouvernement fédéral n’a jamais vacillé dans son engagement. Et il l’a démontré en prenant les trois mesures que je viens de vous mentionner.
Q Selon la façon dont les choses se passent, avez-vous en tête de retourner en politique pour faire en sorte que ça se réalise?
Je ne referai pas le saut en politique, non. Je participe autrement. Je donne des conseils, mon opinion, et mes idées à quiconque veut bien s’en servir.
C’est une tâche ardue. Il est important de tenir compte du fait qu’on ne peut pas tout simplement décider de le faire, et c’est fait en quelques mois. L’assurance-médicaments va toucher beaucoup de personnes et des entités, des institutions, des parties prenantes, donc nous avons besoin de prendre le temps de faire le travail correctement. Et c’est ce que nous sommes en train de faire.
Examinons l’histoire de l’assurance maladie au Canada. C’était promis depuis la Deuxième Guerre mondiale, et même avant. Mais nous l’avons eue que dans les années 60.
Nous devons être patients en reconnaissant la complexité de l’assurance-médicaments. En même temps, cette complexité ne devrait absolument pas nous faire hésiter ou nous empêcher de progresser. Nous pouvons le faire.
Q Je fais des reportages à ce sujet depuis plus d’une décennie. Ça ressemble à un pas en avant et plusieurs en arrière : Lucy dans Snoopy persiste à enlever le ballon de football à la dernière minute et Charlie Brown s’envole… Ça doit être difficile pour les partisans qui la défendent et qui y tiennent, de continuer à avancer.
Oui, c’est très vrai. Mais, si on demandait à ces personnes, et si je peux quelque peu les représenter, je suis plus optimiste que jamais. C’est parce que je sais que l’engagement de la part du gouvernement libéral est sincère, que le langage de l’entente est suffisant, que le travail sera fait. À partir de maintenant, il y a un partenariat qui fera avancer le travail et un horaire pour le mettre en œuvre. »