Gaétean Barette a prouvé que le privé en santé coûte plus cher que le public
Ce blog a été publié pour la première fois sur le site web d’IRIS.
En 2016, l’ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette lançait un projet-pilote visant à comparer les coûts de cinq types de chirurgies et procédures entre le réseau public et trois cliniques privées: RocklandMD, Chirurgie Dix30 et Opmedic. Dans un contexte où le gouvernement Legault prévoit intensifier la privatisation des services au profit des centres médicaux spécialisés privés, les résultats de cette expérience sont évidemment cruciaux. Jusqu’à maintenant, les demandes visant à les obtenir étaient restées sans réponse, et on devait se fier à la parole de l’ex-ministre lorsqu’il affirmait que le coût était moins élevé dans le privé ou le même que dans le public dans la majorité des cas. Or, l’IRIS est parvenu à obtenir du ministère le bilan du projet-pilote, qui prouve exactement le contraire.
Les données sont incontestables: pour toutes les interventions testées par le projet-pilote, le coût est significativement plus élevé lorsqu’elles sont réalisées dans les cliniques privées. Par exemple, en 2019-2020, le coût d’une chirurgie du tunnel carpien était en moyenne de 908 $ au privé contre 495 $ au public, une différence de 84 %. Celui d’une coloscopie courte était de 739 $ au privé, ce qui représente près du triple du coût de la même intervention en établissement public, qui était de 290 $.
L’analyse des résultats du projet-pilote montre également qu’entre 2018-2019 et 2019-2020, les établissements publics sont parvenus à réduire de manière importante le coût de trois des quatre interventions pour lesquelles des données sont disponibles. Le coût a diminué de 11 % pour les chirurgies de la cataracte, de 38 % pour les coloscopies longues et de 13 % pour les coloscopies courtes, alors qu’il a augmenté respectivement de 3 %, 4 % et 81 % lorsque ces procédures étaient effectuées dans les centres médicaux privés. Seul le coût des chirurgies du tunnel carpien a augmenté dans le public (de 6 %) et diminué dans le privé (de 4 %) durant la même période. Autrement dit, le public est parvenu à faire des gains d’efficience importants pendant que les coûts augmentaient dans les cliniques privées.
Une partie de l’explication se trouve probablement dans la marge de profit garantie aux cliniques privées participantes. En effet, le décret établissant les conditions de mise en œuvre du projet-pilote stipulait que « chaque clinique sera financée selon les dépenses réelles engagées (coûts directs et indirects) pour produire les services visés ainsi qu’une marge de profit ». Les documents fournis par le ministère précisent que cette marge de profit a été fixée à 10 % pour les centres médicaux visés par le projet.
Ces modalités signifient que les cliniques privées ne prennent aucun risque financier puisque le remboursement de la totalité des coûts est garanti. Pire, ces conditions sont un véritable incitatif à augmenter les coûts puisque, plus ils sont élevés, plus le montant des profits l’est aussi. Par exemple, puisque le coût moyen d’une chirurgie de la cataracte est passé de 1108 $ à 1137 $ entre 2018-2019 et 2019-2020 dans les cliniques privées, on peut en déduire que les profits moyens par chirurgie empochés par les cliniques sont passés de 110,80 $ à 113,70 $ durant la même période.
Alors que le projet-pilote démontre clairement l’échec du recours au privé en santé, ses modalités ont servi de référence aux établissements publics qui ont multiplié les contrats avec les cliniques privées de chirurgie au cours des dernières années. En fait, dans plusieurs cas, les conditions négociées par les établissements publics sont encore plus avantageuses pour les centres médicaux, qui se sont vu garantir une marge de profit de 15%.
Deux des principaux mythes véhiculés par les défenseurs du privé en santé sont que le privé coûte moins cher et qu’il est plus efficace que le public. Les faits contredisant ces mythes sont nombreux et bien documentés, comme le montrent notamment les cas de l’assurance médicaments, des agences de placement et des groupes de médecine de famille. Jusqu’à maintenant, ces données claires et accablantes ont été insuffisantes pour convaincre le gouvernement d’éviter de s’enfoncer davantage dans l’impasse de la privatisation.
Toutefois, entre 2016 et 2020, le gouvernement a dépensé au total près de 80 millions de dollars auprès de cliniques médicales privées pour réaliser un projet-pilote qui devait au départ coûter 4 millions de dollars par année. Ce projet-pilote a clairement démontré que le public est moins cher et plus efficace que le privé. Espérons que les fonds publics investis ne l’auront pas été en vain, et que le gouvernement tirera de cette expérience les leçons qui s’imposent.
Cette intervention a suscité de nombreuses réactions. Lisez la réponse d’IRIS aux critiques ici.