Des milliards de dollars des fonds publics sont gaspillés en agences de personnel infirmier à but lucratif, selon un nouveau rapport
Les dépenses à l’échelle nationale en agences de dotation en personnel infirmier à but lucratif ont bondi à des milliards en un seul exercice financier, a révélé un nouveau rapport de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers (FCSII).
La FCSII est la plus importante organisation d’infirmières et infirmiers au Canada, représentant infirmières et infirmiers syndiqués de première ligne et étudiant(e)s en soins infirmiers dans tous les secteurs des soins de santé – des soins à domicile et des soins de longue durée aux soins communautaires et actifs – et défendant les priorités clés pour renforcer les soins de santé publics partout au pays, sauf au Québec.
Selon un nouveau rapport de l’Institut économique de Montréal (IEDM), un groupe de réflexion de droite, pour 100 nouvelles infirmières au Québec, 43 quittent la profession avant l’âge de 35 ans.
Le Québec se classe au cinquième rang au Canada, avec 43,1 jeunes infirmières qui quitteront leur emploi pour 100 qui y entreront en 2022, soit 29 % de plus qu’en 2013.
Le rapport a également révélé que les infirmières qui ont exprimé le désir de quitter leur poste actuel étaient également plus susceptibles d’exprimer leur intérêt à travailler pour une agence de personnel infirmier indépendante, comme Mélanie Boulerice, propriétaire de Nomadic Nurse Agency, qui a travaillé dans le système public pendant 12 ans.
« J’ai dû réfléchir à la qualité de vie que je devais me créer, tout en exerçant le métier que j’aime toujours », a-t-elle déclaré. « Nous pouvons discuter de la question de savoir si nous ne devrions pas tout simplement quitter la profession. Je ne vais pas mentir, il m’est arrivé d’y penser ».
Elle dit avoir vu des infirmières passer au secteur privé ou quitter complètement la profession.
« J’ai vu des infirmières partir chez Costco ou Starbucks parce que le salaire et les avantages sociaux étaient plus raisonnables compte tenu du travail qu’elles effectuaient », a-t-elle déclaré.
« Alors que les gouvernements, les employeurs et les syndicats travaillent à réparer les milieux de travail et à résoudre la crise des soins de santé, les intervenants corporatifs profitent des difficultés auxquelles notre système de soins de santé est confronté », a déclaré Linda Silas, présidente de la FCSII. « Une chose est claire : les agences de personnel infirmier à but lucratif ne constituent pas une solution durable à la crise de dotation en personnel au Canada. »
Dans le but de faire la lumière sur l’utilisation croissante des agences à but lucratif à travers le Canada, la FCSII s’est associée à l’Université Queen’s à Kingston en Ontario, pour mener cette étude dirigée par la Dre Joan Almost.
Le rapport qu’a dirigé la Dre Almost qui s’intitule Ouvrir la boîte noire : Décortiquer l’utilisation des agences de personnel en soins infirmiers au Canada, met en lumière une forte augmentation des dépenses en agences et un manque inquiétant de réglementation et de transparence au sujet de la façon dont ces entreprises fonctionnent.
Released today, "Opening the black box: Unpacking the use of nursing agencies in Canada" unveils a sharp increase in agency spending and a concerning lack of regulations and transparency over how these companies operate.
— Canada's Nurses (@CFNU) September 23, 2024
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Quatre cent soixante-douze agences ont été identifiées grâce à cette recherche, et de nouvelles agences émergent chaque année. Les sites Web des agences ont été explorés pour tenter de trouver plus d’informations sur les entreprises, mais certains contenaient très peu de détails, et il n’était pas clair quelles entreprises appartenaient à des sociétés mères et lesquelles appartenaient à des sociétés indépendantes selon le rapport de la Dre Almost.
On prévoit que plus de 1,5 milliard de dollars de la santé publique seront versés aux agences de dotation en personnel infirmier à but lucratif au cours de l’exercice 2023-2024.
La hausse en matière de dépenses a été rapide, puisqu’elle a été multipliée par six en seulement trois ans, comparativement à 247,9 millions de dollars en 2020-2021. Ces estimations sont basées sur les données disponibles, mais, compte tenu du manque de transparence, les valeurs réelles sont beaucoup plus élevées.
La Dre Almost a souligné l’impact du fonctionnement de l’industrie en grande partie non réglementé et la nécessité d’une reddition de comptes.
« Les employeurs sont mis dans des situations de pression lorsqu’une agence avec laquelle ils travaillent augmente encore les tarifs, ce qui entraîne de nombreuses conversations quant au plafond maximal et au fait de décider quand ça suffit », a déclaré la Dre Almost. « Vont-ils avec les hausses de taux inattendues, laissent-ils des unités sans un nombre suffisant de membres du personnel, ou annulent-ils des services? »
Ouvrir la boîte noire présente les recommandations clés pour remédier à cette tendance coûteuse, notamment :
- Les gouvernements doivent immédiatement commencer à travailler à l’élimination progressive du recours aux agences privées de dotation en personnel infirmier à but lucratif au Canada.
- Les gouvernements et les employeurs doivent prendre des mesures immédiates pour résoudre la pénurie de personnel en soins infirmiers.
- Jusqu’à ce que les agences privées de dotation en personnel infirmier puissent être complètement éliminées, des mesures doivent être prises pour mettre en œuvre des règlements et une surveillance.