Défenseurs des travailleurs et défenseurs des soins de santé réagissent au comportement des entreprises dans le secteur des soins de longue durée
Par Pat Van Horne, membre du Syndicat des Métallos et du conseil d’administration de la Coalition canadienne de la santé
Le Congrès du travail du Canada (CTC) a réagi à un nouveau rapport révélant que des milliards de dollars de fonds publics alloués aux soins de longue durée (SLD) et devant servir aux soins aux patients se sont retrouvés dans les poches des actionnaires.
« Ce rapport illustre brutalement la réalité en établissements de soins de longue durée, notamment taux plus élevés de décès et niveaux inférieurs de soins », souligne Bea Bruske, présidente du CTC en réponse au rapport Careless Profits élaboré par Canadiens pour une fiscalité équitable. Le CTC et plusieurs syndicats affiliés sont membres de la Coalition canadienne de la santé.
« La pandémie a mis au jour de graves problèmes par rapport à comment nous dispensons les soins à nos plus vulnérables »
DR AMIT ARYA
Le rapport met l’accent sur l’Ontario et les 3,8 milliards de financement public du gouvernement, alloué aux exploitants d’établissements de SLD au cours de la décennie qui a précédé la pandémie de COVID-19, et qui ont été convertis en profits.
Pauline Worsfold, IA et présidente de la Coalition canadienne de la santé, mentionne que le rapport est pertinent pour tout le Canada.
« Un examen approfondi des soins de longue durée à but lucratif devrait être fait dans chaque province », précise Worsfold. « C’est un enjeu national, tout comme le sont les normes de soins. »
« La pandémie a mis au jour de graves problèmes par rapport à comment nous dispensons les soins à nos plus vulnérables », souligne le Dr Amit Arya, médecin en soins palliatifs œuvrant dans le secteur des soins de longue durée. « Plus particulièrement, les dangers d’un système qui accorde plus d’importance aux profits des entreprises qu’à la vie humaine se sont soldés en tragédie humanitaire dans le secteur des soins de longue durée. »
Arya, qui souligne qu’il faut mettre fin aux soins de longue durée à but lucratif, est cofondateur de Doctors for Justice in Long-Term Care, un groupe de plus de 1 000 médecins, chercheurs et défenseurs des droits.
Le rapport révèle aussi que certains exploitants d’établissements de SLD à but lucratif utilisent des stratagèmes d’évasion fiscale pour réduire la somme qu’ils remboursent au trésor public.
Revera, le plus grand exploitant d’établissements de SLD en Ontario, a de nombreuses filiales dans les paradis fiscaux. Or, la faiblesse des lois sur la transparence financière au Canada signifie que le public ne peut pas connaître le coût véritable de l’évasion fiscale par les exploitants d’établissements de SLD à but lucratif. Selon l’information disponible pour trois sociétés à plusieurs actionnaires, elles auraient dû, ensemble, payer environ 500 millions $ de plus en impôts entre 2010 et 2019.
Trois recommandations
Le rapport Careless Profits offre les recommandations suivantes pour dépenser intelligemment et effectivement les dollars alloués à la santé; la transparence par rapport à où va le financement des SLD; et l’exigence, pour les entreprises offrant des SLD, de payer leur juste part des impôts. Plus précisément, ces recommandations sont :
« 1. Exiger que tous les exploitants d’établissements de SLD à but lucratif dévoilent publiquement leurs données financières et toute information relative à la propriété et aux emplois, y compris revenus, profits, impôts payés, salaires des hauts dirigeants, et dividendes. L’information au sujet de l’établissement devrait aussi être dévoilée, notamment l’utilisation des fonds publics et la dotation en personnel;
2. Éliminer les échappatoires fiscales permettant aux sociétés qui reçoivent des fonds publics d’avoir recours à des stratagèmes agressifs d’évasion fiscale – par exemple l’utilisation de filiales dans les paradis fiscaux – qui se traduisent en allégements fiscaux sans aucun avantage pour le public. En attente de cela, exiger des exploitants à but lucratif qu’ils signent une entente par laquelle ils s’engagent à ne pas recourir à l’évasion fiscale;
3. Élaborer un plan pour que tous les établissements de soins de longue durée avec multiples actionnaires passent à des exploitants sans but lucratif. »
Canadiens pour une fiscalité équitable est une organisation sans but lucratif et non partisane qui revendique des politiques fiscales progressives et équitables visant à bâtir une économie forte et viable, à diminuer les inégalités, et à financer des services publics de qualité.