Les provinces rejettent l’offre du gouvernement fédéral de financement plus substantiel en santé
La première réunion en face-à-face des ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux depuis le début de la pandémie a pris une tournure inattendue et décevante, hier, lorsque le débat s’est accentué et que les initiatives communes se sont effondrées à la dernière minute.
Mardi après-midi, Jean-Yves Duclos, ministre fédéral de la Santé du Canada, et Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances, ont quitté les négociations qui, graduellement, progressaient vers une déclaration conjointe et une conférence de presse.
Le refus des provinces d’accepter les fonds supplémentaires versés par l’intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé avec, on pourrait dire, des conditions très modestes, ne fera rien pour aider le système public en difficulté. « Une occasion ratée monumentale de régler la crise dans le secteur de la santé, d’aider les travailleurs de première ligne et de donner espoir aux patients », souligne la Coalition canadienne de la santé dans un gazouillis en réaction à l’impossibilité d’en arriver à une entente.
Que s’est-il donc passé pour en arriver là?
Adrian Dix, ministre de la Santé de la C.-B., avait demandé au premier ministre Trudeau une réponse aux demandes des premiers ministres provinciaux et territoriaux pour un plus grand financement sans conditions des soins de santé. « Le premier ministre Trudeau n’est pas une plante en pot. Il peut défendre sa position s’il le veut. Mais il faut une rencontre », a-t-il dit au réseau CBC avant la réunion qu’il présidait.
À la surprise du ministre Dix, le ministre fédéral de la Santé est arrivé à Vancouver avec une réponse. « Le gouvernement du Canada est prêt à augmenter les investissements en santé par l’intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé », a dit Duclos.
Mais, au grand chagrin des provinces, la promesse de financement venait avec la condition qu’ils consentent à « à élargir de manière significative l’usage et le partage d’indicateurs de santé clés communs et à créer un système de données sur la santé de classe mondiale pour le Canada. »
De plus, la possibilité d’ententes sur mesure avec les provinces a été offerte afin « de répondre aux domaines de priorités que nous partageons tous, comme l’appui aux travailleurs de la santé, l’accès à des équipes de médecine familiale et l’accès à des soins de santé mentale. »
Pour certains au sein de la Coalition canadienne de la santé, particulièrement ceux et celles du secteur des soins de longue durée, dévasté par le sous-financement chronique et le privé à but lucratif, les conditions fédérales semblaient une capitulation étant donné l’urgence de la crise dans le secteur de la santé.
L’intervention des premiers ministres dans les pourparlers des ministres de la Santé
Lundi, les gouvernements fédéral et provinciaux semblaient se diriger vers un compromis lorsque le ministre Dix a dit que le revirement de la part du gouvernement fédéral était une bonne nouvelle.
Mais des fissures ont commencé à apparaître entre les provinces lorsque Christian Dubé, ministre de la Santé du Québec, a dit aux journalistes que toute condition liée à une augmentation du financement n’était pas acceptable.
À un moment donné pendant les négociations relatives aux conditions, les premiers ministres ont décidé de torpiller les pourparlers.
Les ministres fédéraux ont accusé les provinces de négocier de mauvaise foi lorsque, pendant qu’ils rédigeaient la déclaration commune le mardi après-midi, le Conseil de la fédération a diffusé un communiqué de presse inattendu dont le titre disait « Aucun progrès réalisé avec le gouvernement fédéral pour assurer un financement viable des soins de santé. »
Les ministres Duclos et Bennett étaient indignés. « Nous sommes ici de bonne foi, prêts à travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux », peut-on lire dans leur déclaration. « Nous sommes déçus de l’issue de la rencontre d’aujourd’hui et de la déclaration faite par les premiers ministres provinciaux et territoriaux. »
L’ancienne façon de faire les choses, selon Duclos
Les conséquences de cet échec pourraient se faire sentir dans les années à venir. Une entente de type accord sur la santé, négociée entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral, pourrait devenir un accessoire permanent du passé.
« Tout ce que les premiers ministres ne cessent de dire c’est qu’ils veulent une augmentation inconditionnelle du Transfert canadien en matière de santé envoyée à leurs ministres des Finances. Ce n’est pas un plan, c’est l’ancienne façon de faire les choses », souligne Duclos.
La voie pour le gouvernement fédéral pourrait être des ententes bilatérales avec les provinces calquées sur les ententes fructueuses sur la garde d’enfants. Ou, le gouvernement fédéral pourrait faire cavalier seul avec des initiatives comme le nouveau régime public de soins dentaires qui sera offert sans aucune participation des provinces.
L’impact sur les engagements PLC-NPD en santé
Il sera intéressant de voir comment l’impasse actuelle par rapport au financement affecte les nouveaux programmes en santé, notamment ceux promis par le premier ministre Trudeau au chef du NPD, Jagmeet Singh, dans le cadre de l’Entente de soutien et de confiance entre le PLC et le NDP. La Coalition canadienne de la santé a lancé sa campagne Santé et Espoir 2025 afin que ces engagements soient respectés et portent fruits.
Le régime public de soins dentaires peut continuer sans les provinces mais les investissements ciblant les soins primaires, la sécurité des soins de longue durée et le régime national et universel d’assurance-médicaments pourraient devoir se faire seulement avec les provinces qui y consentent.
Dans le cas du régime national d’assurance-médicaments, l’échec des pourparlers à Vancouver cette semaine rend la perspective d’un régime national unique beaucoup plus improbable et, dorénavant, il faudra probablement élaborer un programme national une province à la fois.
Heureusement, une telle approche graduelle a toujours été considérée par les partisans du régime national, y compris dans le plan détaillé compris dans le Rapport 2019 du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments, dirigé par le Dr Erik Hoskins.
L’effondrement des négociations à Vancouver n’est pas la fin de l’histoire, et notre campagne continue pour défendre et améliorer les soins de santé publics doit se poursuivre.
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