Le conflit patronal-syndical à Postes Canada souligne l’importance de l’assurance médicaments
Depuis le début de la grève des postiers, Postes Canada a suspendu les prestations médicales privées, dont l’assurance médicaments privée, de ses 55 000 employés, y compris celles de Marc Caron. Selon un reportage de la CBC, sa famille doit maintenant payer 2 000 $ par jour pour le traitement de son cancer.
Les critiques comme Jules Côté qualifient cette mesure de brise-grève.
Since the postal workers’ strike began, Canada Post has suspended all 55,000 workers’ medical benefits including Marc Caron. His family is now paying $2k a day for his cancer treatment. This is a form of strike-breaking.https://t.co/44Xh6dHEjB
— Jules Côté (@julescotendp) December 2, 2024
Le média indépendant montréalais L’Étoile du nord rapporte d’autres cas de membres du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des Postes (STTP) qui ont du mal à couvrir les coûts de leurs médicaments, y compris une travailleuse qui ne souhaite pas être nommée par crainte de représailles et que l’on appelle « Sylvie », atteinte d’un cancer de stade 4.
L’Étoile du Nord raconte que les oncologues de Sylvie ont réussi à trouver un arrangement pour que ses médicaments soient couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le programme provincial de soins de santé publique.
« Vous savez, j’étais fière quand j’ai été embauchée au bureau de poste. Maintenant, c’est… j’ai honte. J’ai un soutien énorme de la part de mes collègues. Mais je me suis sentie abandonnée par Postes Canada, comme d’autres qui sont malades », a déclaré Sylvie.
La loi québécoise oblige les employeurs à maintenir une couverture d’assurance collective pendant au moins 30 jours après le début d’une grève ou lock out. En outre, les assureurs doivent permettre aux travailleurs de convertir leur régime collectif en un régime individuel après ces 30 jours. Il est possible pour le syndicat dans ce cas d’assumer les frais mais il n’a pas les fonds nécessaires. Postes Canada relève de la compétence fédérale.
Les partisans de l’assurance-médicaments universels estiment depuis longtemps que les employeurs en bénéficieraient
Dans son rapport final sur l’assurance-médicaments, publié en 2019 et considéré comme la référence en la matière, le Dr Eric Hoskins déclare « Le régime national d’assurance-médicaments apportera aux entreprises le soulagement dont elles ont tant besoin face au coût élevé et croissant de l’assurance-médicaments. Les chefs d’entreprise n’auront plus à s’inquiéter de savoir s’ils peuvent payer une assurance-médicaments privée pour leurs employés qui travaillent dur ».
Le rapport indique également qu’un régime national d’assurance-médicaments signifie que les travailleurs et les entreprises n’auront plus à payer pour une couverture coûteuse des médicaments sur ordonnance. « Le propriétaire d’une entreprise moyenne qui offre une assurance-médicaments économiserait plus de 750 dollars par an et par employé. Le travailleur moyen bénéficiant d’une assurance-médicaments sur son lieu de travail économiserait plus de 100 dollars par an en primes d’assurance. En outre, les employés qui paient des centaines ou des milliers de dollars par an en quotes-parts, coassurances ou franchises pour eux-mêmes et leur famille ne paieront jamais plus de 100 dollars par foyer et par an. Plus de coassurance. Plus de limites annuelles ou à vie ».
Le professeur Marc-André Gagnon, de l’université Carleton, est un partisan de longue date de l’assurance-médicaments. « Pour la population active, l’accès aux médicaments est encore organisé comme des privilèges offerts par les employeurs à leurs employés. L’assurance-médicaments universelle permettrait non seulement d’améliorer l’accès aux médicaments prescrits nécessaires, mais aussi d’éliminer le gaspillage, de garantir l’optimisation des ressources et de contribuer à améliorer la sécurité des médicaments et la prescription appropriée ».
Les grévistes et les travailleurs en lock-out ont besoin d’une assurance-médicaments
Les 55 000 travailleurs de Postes Canada en grève depuis le 15 novembre, dans le cadre de la première grève postale sur l’ensemble du lieu de travail depuis plus de 40 ans, ont tous vu leur assurance médicale privée coupée.
Avant cette grève, les travailleurs postaux avaient participé à des grèves tournantes, comme celles de 2018, qui avaient eu moins d’impact sur leur assurance médicaments et leur assurance-santé privées.
Le coût annuel du régime d’assurance maladie complémentaire – qui comprend les médicaments – s’élève à environ 150 millions de dollars. Les membres du STTP paient 5 % du coût des primes. Les employeurs paient l’assurance dans le cadre des avantages sociaux couverts par l’employeur, ce qui peut être considéré comme une forme de rémunération. Les syndicats pourraient couvrir ces coûts, mais n’en ont pas les moyens.
Il a été demandé aux membres du syndicat d’être attentifs à la probabilité que les patrons leur coupent les vivres et une note en ce sens leur a été envoyée dès le mois d’octobre : « De nombreux membres et les personnes à leur charge prennent des médicaments sur ordonnance, communément appelés médicaments d’entretien ou médicaments à long terme. Il s’agit de médicaments que vous prenez régulièrement pour traiter des affections telles que l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle ou le diabète ».
La note ajoute que la convention collective pourrait expirer le 3 novembre 2024. Dans ce cas, la couverture de notre régime d’assurance médicaments ne serait plus garantie.
Les membres devraient alors payer 100 % du coût de toute ordonnance. Dans un bulletin de la direction du STTP, les membres ont été informés :
Fourniture de trois mois
Si vous ou une personne à charge prenez un médicament d’entretien ou un médicament à long terme, envisagez de consulter votre médecin et de lui demander une ordonnance qui vous permettra d’obtenir une réserve de trois mois du médicament. Faites remplir l’ordonnance ce mois-ci afin de vous assurer que vous disposez des médicaments nécessaires en cas de grève ou de lock-out. Bien que nous espérions une convention collective négociée, il est toujours préférable de se préparer ». Les patrons de Postes Canada ne font pas que retirer l’assurance médicaments il met certains membres du personnel actuellement en grève à la porte également.
Dans une déclaration au Toronto Star, Postes Canada a confirmé des licenciements, mais a précisé qu’ils étaient temporaires.
Larry Savage, professeur d’études syndicales à l’Université Brock, a qualifié les licenciements de « mesure très agressive de la part de Postes Canada, qui semble destinée à effrayer les membres du syndicat pour qu’ils abandonnent leur grève ».
« Je pense qu’à mesure que nous nous rapprochons des fêtes de fin d’année, l’intervention du gouvernement devient de plus en plus probable », a déclaré Savage.
Le syndicat et Postes Canada ne s’entendent pas sur la façon d’étendre les livraisons de colis pendant la fin de semaine, ce qui constitue un enjeu majeur des négociations.
Postes Canada a du mal à rivaliser avec les autres fournisseurs de services de livraison et a enregistré une perte de 315 millions de dollars avant impôts au troisième trimestre, et a présenté les livraisons de fin de semaine comme un moyen d’augmenter ses revenus. Les patrons continuent d’être grassement rémunéré et conserve tous leurs avantages sociaux pendant le conflit.