Les travailleurs étrangers temporaires ont du mal à accéder aux soins de santé au Canada : Rapport de l’ONU
Un rapport des Nations unies qualifiant le programme canadien de travailleurs étrangers temporaires de « terreau fertile pour les formes contemporaines d’esclavage » parle des soins de santé dispensés aux travailleurs migrants dans le pays. Les appels se multiplient pour que les droits des travailleurs étrangers temporaires au Canada soient pleinement reconnus.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec invite les gouvernements du Québec et d’Ottawa à revoir en profondeur le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Selon la FTQ, « Les annonces relatives au PTET venant des deux gouvernements passent à côté d’importants problèmes, dont l’abolition du permis de travail fermé et une garantie d’accès des travailleurs migrants à une immigration permanente. »
Selon la CSN, « Le nombre de travailleurs étrangers temporaires a explosé dans les dernières années. Il s’agit d’une main-d’œuvre vulnérable qui ne peut pratiquement pas faire valoir ses droits, de personnes vivant dans la menace constante de perdre leur permis de travail et d’être ainsi expulsées vers leur pays d’origine. »
Le droit aux soins de santé figure parmi ces problèmes.
Dans son rapport sur le Canada, publié en juillet, Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, affirme que le programme canadien des travailleurs étrangers temporaires empêche les travailleurs migrants d’exercer leurs droits.
Obokata a rédigé une partie spécifique parlant des soins de santé des travailleurs migrants au Canada dans les sections 29 et 30 de son rapport :
29. Les travailleurs étrangers temporaires ont du mal à accéder aux soins de santé dans la pratique. Depuis 2022, les employeurs sont tenus de faire des efforts raisonnables pour permettre aux travailleurs étrangers temporaires d’accéder aux services de santé s’ils se blessent ou tombent malades. Bien que les travailleurs aient accès à l’assurance maladie publique, les périodes d’éligibilité varient selon les provinces et les territoires. Dans l’intervalle, les employeurs doivent fournir une assurance maladie privée, mais uniquement pour les soins de santé d’urgence. Les travailleurs relevant du Programme des travailleurs agricoles saisonniers bénéficient de soins de santé plus complets à leur arrivée.
30. Malgré les nouvelles réglementations, certains employeurs empêcheraient les travailleurs de se faire soigner, les encourageant à prendre des analgésiques ou des remèdes maison à la place. En outre, les travailleurs se voient parfois refuser des congés pour suivre un traitement médical ou peuvent même être licenciés pour cela. De nombreux chantiers se trouvent dans des zones reculées où les infrastructures publiques sont limitées, et les travailleurs doivent compter sur leur employeur pour organiser le transport, ce qui peut s’avérer coûteux, car l’employeur n’est pas tenu de le prendre en charge. Il a été signalé que certains employeurs n’effectuent pas les paiements requis pour l’assurance privée ou l’assurance est suspendue pendant les périodes où les travailleurs ne sont pas activement employés.
La privatisation et le racisme systémique nuisent aux soins de santé, pas les migrants
Le Centre de justice pour les migrants Madhu Verma au Nouveau-Brunswick et le groupe pour les droits des migrants, Migrant Workers Alliance for Change ont fait remarquer que les migrants sont les boucs émissaires commodes des multiples crises de l’accessibilité financière qu’ils n’ont pas créées.
Les migrants sont parfois accusés d’être à l’origine de la « pénurie de soins de santé », alors que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral négligent de financer correctement notre système public de soins de santé.
Les gouvernements laissent la privatisation s’installer, privant le système public de médecins, d’infirmières et de professionnels de la santé, comme le soulignent les syndicats représentant les travailleurs de la santé et les coalitions provinciales de la santé.
Les politiques canadiennes en matière d’immigration et de soins de santé privent des centaines de milliers de résidents canadiens de la possibilité d’accéder aux soins de santé en raison de leur statut d’immigré, comme l’indique un rapport intitulé Work, Study, Pay Taxes, But Don’t Get Sick : Barriers to Health Care Based on Immigration Status du groupe Citizens for Public Justice et la Coalition canadienne de la santé.
Ce rapport étudie l’impact des périodes d’attente de trois mois pour les immigrants reçus et les réfugiés, des permis de travail temporaires qui lient l’accès aux soins de santé à un employeur spécifique, du refus de soins médicaux aux résidents sans statut, des conditions de travail dangereuses, de l’inadmissibilité médicale et des déportations pour raisons médicales. Il fait état d’inégalités importantes dans l’accès aux soins de santé en fonction du statut d’immigrant. Les conséquences et l’impact de cette discrimination sont considérables et violent les droits fondamentaux de la personne. Nous situons l’inégalité d’accès aux soins de santé dans le cadre d’une tendance plus large de l’immigration canadienne à limiter l’accès aux droits et aux services essentiels, en particulier pour les migrants à faible revenu et racialisés.
De son vivant, Nell Toussaint a défendu l’accès universel aux soins de santé, y compris pour les personnes n’ayant pas le statut d’immigré au Canada.
En 2023, Toussaint est décédée à l’âge de 54 ans. Lorsque Nell est tombée malade, elle s’est vue refuser des soins de santé, parce que le Canada n’accorde pas de soins publics de santé aux migrants en situation irrégulière. Championne des soins de santé pour les migrants en situation irrégulière au Canada, elle a porté son combat devant les Nations unies. En réponse, un comité des Nations unies a jugé que le Canada avait violé son droit à la vie et lui a demandé d’accorder des soins de santé à tous les migrants en situation irrégulière. Le Canada a jusqu’à présent refusé, renforçant ainsi les stéréotypes discriminatoires qui suggèrent que les migrants ne méritent pas d’être soignés.
Pour les travailleurs migrants, dont le statut d’immigration est lié à leur employeur, la perte de leur emploi peut également signifier la perte de leur assurance maladie privée de qualité inférieure, de leur logement et de leur capacité à rester au Canada. En outre, les travailleurs migrants sont confrontés à de nombreux obstacles pour accéder aux soins de santé en raison des coûts, de la langue, du transport et des représailles de l’employeur.
On entend parfois dire que les immigrés ne méritent pas de bénéficier de soins de santé, parce qu’ils ne paient pas d’impôts. En réalité, ils paient des impôts. S’il s’agit de travailleurs migrants saisonniers, ils cotisent souvent à un système qui ne leur donne jamais accès aux soins de santé publics ou à d’autres services qui constituent notre filet de sécurité sociale, en raison des conditions de résidence.
Obokata conclut : « La précarité structurelle des travailleurs étrangers temporaires serait atténuée en accordant un statut clair pour tous les travailleurs migrants, cela leur fournirait une base solide pour jouir de l’ensemble de leurs droits de la personne, tout en continuant à contribuer à la société canadienne. »
La Coalition canadienne de la santé fait partie des nombreuses organisations qui demandent la régularisation du statut d’immigration des travailleurs étrangers temporaires et des sans-papiers.
Donner à tous, y compris aux travailleurs étrangers temporaires et aux sans-papiers, l’accès aux soins publics de santé est également possible.
Pour protéger la santé publique au début de la pandémie de la COVID-19, l’Ontario a couvert les soins de santé de tout le monde, y compris des sans-papiers. Malheureusement, l’Ontario a mis fin à cette couverture en mars 2023, malgré les appels de l’Association médicale de l’Ontario pour qu’elle soit maintenue, comme l’indique un article du Ottawa Citizen publié le 31 mars 2024.
Qui mérite des soins de santé ? Tout le monde a droit aux soins de santé.
Avec les fichiers d’Anne Lagacé Dowson.