Méfions-nous des profiteurs qui tentent de bloquer l’assurance médicaments disent les chercheurs
Des millions de Canadiens et Québécois s’attendent que le Sénat pour adopte rapidement le projet de loi C-64 sur l’assurance médicaments afin qu’elles puissent enfin avoir accès à des contraceptifs et à des médicaments contre le diabète.
Les chercheurs participant au panel « Gagner le régime d’assurance médicaments » lors de la table ronde de recherche sur la Loi canadienne sur la santé à 40 ans qui s’est tenue le 20 juin à l’Université d’Ottawa, ont décrit les puissants intérêts qui tentent d’empêcher l’assurance médicaments universelle de devenir une réalité. Le panel était composé des plus grands chercheurs et défenseurs de l’assurance-médicaments universelle du pays. Le panel est maintenant disponible ici –
Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton, est expert en économie politique du secteur pharmaceutique. Il a souligné que les dépenses pharmaceutiques du Québec et du Canada sont parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, juste derrière les États-Unis et l’Allemagne.
Le professeur Gagnon a également fait remarquer que neuf pour cent des Canadiens se sont abstenus de prendre un médicament prescrit, ou ont intentionnellement omis des doses de leur médicament, en raison de contraintes financières au cours de l’année précédant selon une enquête publiée en 2020 par le Fonds du Commonwealth.
Selon Gagnon, le secteur de l’assurance privée fait la promotion d’autres approches pour la couverture des médicaments, notamment l’extension du modèle québécois en rendant l’assurance privée obligatoire. Mais toujours selon lui, cela augmenterait les coûts de 5 milliards de dollars. Il a également indiqué qu’il était question d’étendre les rabais obtenus par les régimes publics aux régimes privés et d’offrir une couverture publique pour les médicaments onéreux.
Toujours selon M. Gagnon, les modèles que préfère l’industrie sont généralement coûteux et inefficaces. De plus, il affirme que de tels modèles privés mineraient la capacité du Canada à négocier des prix plus bas, tout en obligeant les fonds publics à payer pour couvrir les risques des régimes privés.
Nikolas Barry-Shaw, chargé des campagnes sur la privatisation et le commerce au Conseil des Canadiens, a discuté de la façon dont les compagnies pharmaceutiques et d’assurance utilisent les groupes de réflexion, les institutions et les universitaires pour promouvoir leur programme à but lucratif. Le Conseil des Canadiens a récemment publié un rapport intitulé Une ordonnance pour le profit, sur la désinformation propagée par les grandes sociétés pharmaceutiques sur l’assurance médicaments.
« L’objectif est de créer des chambres d’écho dans les médias et dans les corridors du pouvoir qui résonnent avec les points de vue approuvés par l’industrie, livrés sur la place publique par des voix apparemment indépendantes », a déclaré Barry-Shaw, qui a cité des groupes de réflexion comme l’Institut Fraser ainsi que d’autres organismes influents comme le Conference Board du Canada et leur rôle dans l’opposition à un régime universel d’assurance médicaments à payeur unique.
Selon Mme Barry-Shaw, ces organismes qui défendent des intérêts privés sous la guise de la neutralité affirment souvent que la plupart des Canadiens bénéficient déjà d’une assurance médicaments, et qu’un régime universel d’assurance médicaments n’est donc pas nécessaire. Mais cette affirmation est trompeuse car, si de nombreux Canadiens bénéficient d’une certaine assurance médicaments, ils sont obligé de payer des frais, et beaucoup n’ont pas du tout les moyens de payer les médicaments dont ils ont besoin.
Le Dr Joel Lexchin, Urgentologue, est considéré comme une légende de la médecine d’urgence et membre du conseil d’administration de la Coalition canadienne de la santé, a invité l’auditoire à réfléchir à la qualité des médicaments qui seront financés par le régime public d’assurance médicaments.
S’appuyant sur des données de Santé Canada et de l’Organisation mondiale de la santé, M. Lexchin a constaté une augmentation du nombre de médicaments anticancéreux et de médicaments orphelins pour les maladies rares approuvés par Santé Canada. Il a fait remarquer que les médicaments orphelins sont coûteux et représentent environ 5 % des prescriptions, mais qu’ils absorbent environ 30 % des dépenses en médicaments de prescription.
« Nous permettons aux entreprises de facturer beaucoup plus cher les médicaments orphelins et nous approuvons de plus en plus de ces médicaments, qui sont susceptibles d’être approuvés sur la base d’un avis de conformité avec des conditions, ce qui signifie qu’ils sont plus chers alors que nous en savons moins sur leur efficacité lorsqu’ils sont mis sur le marché », a déclaré Dr. Lexchin, qui a souligné que les compagnies pharmaceutiques font pression sur Santé Canada pour qu’il approuve les médicaments. “La plupart des médicaments qui arrivent sur le marché n’ont pas de valeur thérapeutique supplémentaire par rapport à ce qui existait déjà ».
« Entre un sur dix et un sur sept nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché fait une grande différence dans la vie des gens », a déclaré M. Lexchin, dont les recherches dans ce domaine peuvent être lues dans son œuvre Frontiers in Medicine.
Les trois panélistes souhaitent la mise en place d’un régime universel d’assurance médicaments à payeur unique et leurs travaux mettent en lumière les intérêts lucratifs qui tentent de s’opposer à l’assurance médicaments.
La table ronde sur la recherche a été organisée par la Coalition canadienne de la santé et le Centre de droit, de politique et d’éthique de la santé de l’Université d’Ottawa, avec le soutien de l’Université St. Thomas.
Ceci est le troisième d’une série de huit blogs hebdomadaires résumant ce qui a été entendu lors de La table ronde de recherche sur la Loi canadienne sur la santé à 40 ans qui s’est tenue à l’Université d’Ottawa le 20 juin 2024. Le blogue de la semaine prochaine portera sur dix mythes inutiles concernant la Loi canadienne sur la santé, tels que présentés par Greg Marchildon et Bill Tholl. Les webinaires précédents peuvent être visionnés sur la chaîne Youtube de la Coalition canadienne de la santé.