« Plus qu’un simple régime, c’est une bouée de sauvetage », déclare un denturologiste à propos du régime canadien de soins dentaires
Le Régime canadien de soins dentaires (RCSD) continue de susciter des questions alors qu’il se déploie pour couvrir un plus grand nombre de personnes ayant besoin de soins dentaires. Pour Santé Canada et les fournisseurs de soins dentaires qui ont participé à un webinaire organisé par Anne Lagacé Dowson, de la Coalition canadienne de la santé, le 16 juillet, il est essentiel que la profession dentaire soutienne le RCSD. Le webinaire a abordé plusieurs questions posées par les patients et les professionnels de soins et peut maintenant être visionné ici –
Webinaire : Les soins de santé avec du mordant, partie 4 : une mise à jour sur le régime canadien de soins dentaires, 16 juillet 2024
Le Dr Brandon Doucet, dentiste, fondateur de la Coalition pour les soins dentaires et auteur du livre About Canada : Dental Care (Fernwood), a animé la table ronde. Il a rappelé au public que le Canada est en retard sur les autres pays de l’OCDE en matière de dépenses publiques pour les soins dentaires.
« En conséquence, plus d’un Canadien sur trois n’a pas d’assurance dentaire et environ un sur quatre évite le dentiste chaque année, en raison de contraintes financières. Ces problèmes s’aggravent à mesure que de nombreuses personnes âgées partent à la retraite et perdent leurs avantages sociaux. Le travail devient également de plus en plus précaire, ce qui fait que de moins en moins d’employeurs offrent des avantages tels que l’assurance dentaire », a déclaré le Dr Doucet.
Le Dr Doucet a fait référence à un récent sondage d’Abacus Data qui a révélé qu’un pourcentage croissant de Canadiens retardent les examens et nettoyages dentaires réguliers en raison de leur situation économique actuelle, passant de 28 % en août 2022 à 37 % en avril 2024. « Ce même sondage a révélé que les deux principales préoccupations des gens à l’égard de notre système de soins dentaires sont le sous-financement du système par les gouvernements et la privatisation croissante des services de soins dentaires », a déclaré le Dr Doucet.
Selon Marika Nadeau, directrice générale de la section de la santé bucco-dentaire à Santé Canada, le Régime canadien de soins dentaires (RCSD) rejoins beaucoup de Canadiens : « Je suis heureuse de vous annoncer qu’à ce jour, près de 2,2 millions de Canadiens ont été approuvés dans le cadre du régime et que près de 300 000 personnes âgées ont déjà reçu des soins », a déclaré Mme Nadeau.
Voici la présentation en Power Point de Santé Canada.
Afin d’assurer une mise en œuvre harmonieuse des soins dentaires pour les neuf millions de résidents canadiens potentiels, M. Nadeau a déclaré que le RCSD est mis en œuvre par étapes. Les demandes en ligne sont maintenant ouvertes aux personnes âgées de 65 ans et plus, aux adultes détenant un certificat valide du crédit d’impôt fédéral pour personnes handicapées et aux enfants de moins de 18 ans. Tous les autres résidents canadiens admissibles pourront faire une demande en ligne en 2025.
Pour bénéficier du RCSD, les demandeurs doivent répondre à quatre critères d’admissibilité : Ne pas avoir accès à une assurance dentaire ; avoir un revenu familial net inférieur à 90 000 $ ; être résident canadien pour fins de l’impôt ; et avoir produit sa déclaration de revenus au cours des années précédentes.
M. Nadeau a souligné que Santé Canada facilite la tâche des fournisseurs de soins dentaires pour traiter les patients du RCSD. Les fournisseurs peuvent s’inscrire par l’entremise de la compagnie d’assurance privée Sun Life, comme de nombreux fournisseurs l’ont fait depuis mars 2024. Ils peuvent maintenant soumettre des demandes de règlement directement à la Sun Life, qui les paiera au fur et à mesure.
« En date du 11 juillet 2024, plus de 12 000 fournisseurs s’étaient officiellement inscrits par l’entremise de la Sun Life, et ce nombre continue d’augmenter chaque jour », a déclaré M. Nadeau. Ces fournisseurs comprennent 9 576 dentistes et spécialistes dentaires, 1 693 denturologistes et 794 hygiénistes dentaires indépendants. D’autres fournisseurs ont commencé à soumettre des demandes de remboursement au cas par cas, comme ils le font pour d’autres régimes d’assurance.
Les médias ont récemment fait état d’une forte demande pour le RCSD mais a fait état d’une certaine hésitation de la part des dentistes envers le programme.
Le Dr Terry Shaw, dentiste de 77 ans au Nouveau-Brunswick, est favorable au RCSD. Il a déclaré à la CBC en mai : « Je suis dans une région rurale à Perth Andover et nous avons beaucoup de personnes âgées dans la région, et beaucoup d’entre elles vivent avec des revenus fixes – des pensions de 10 000 à 12 000 dollars – et, vous savez, la dentisterie est tout simplement hors de leur portée, en termes de prix… C’est bien quand vous pouvez regarder la bouche de quelqu’un et l’examiner sans avoir cette limitation financière au-dessus de votre tête ».
Le Dr Melvin Lee est un dentiste d’Ottawa qui s’exprime publiquement en faveur du RCSD. Lors du webinaire, il a dissipé certaines des informations erronées qui circulent sur le RCSD, comme la possibilité d’une diminution ou d’un report de la rémunération. « Depuis que j’ai vu les premiers participants au programme en mai, j’ai été payé par la Sun Life dans les 48 heures suivant l’examen du patient dans ma clinique », a déclaré le Dr Lee.
Le Dr Lee a raconté à l’auditoire l’histoire personnelle qui l’a amené à décider de participer au RCSD : « Je suis le fils d’immigrants coréens peu fortunés. Nous n’avions pas d’assurance dentaire ni d’argent supplémentaire pour des visites régulières chez le dentiste. Avant d’entrer à l’école dentaire en 1998, je suis allé chez le dentiste deux fois dans toute ma vie… Découvrir qu’environ 25 % des Canadiens, avant le lancement du programme RCSD, n’avaient pas accès à un dentiste par manque d’argent ou d’assurance dentaire, c’est pour moi la justification pour mon choix de devenir un fournisseur de service dans le cadre du RCSD. »
Shannon Maitland est une hygiéniste dentaire agréée et fondatrice de « Oral Wellness », un véhicule d’hygiène dentaire mobile basé à Ottawa. Son vehicule mobile dentaire est conçu pour apporter des soins d’hygiène dentaire aux patients, à leur domicile, sur leur lieu de travail, dans les écoles ou dans les établissements de soins de longue durée.
« Le Régime canadien de soins dentaires ne fait pas seulement donner l’accès à la couverture des soins dentaires, il change des vies et fait en sorte que tous les Canadiens aient accès à des soins de santé bucco-dentaire », a déclaré Mme Maitland.
Selon Mme Maitland, le RCSD a permis à ses patients à revenu fixe de recevoir « les traitements dont ils ont besoin sans avoir à sacrifier des éléments essentiels de la vie tels que le loyer, l’électricité et la nourriture ».
Pour Mme Maitland, les soins dentaires de routine permettent de sauver des vies : « Grâce à des évaluations telles que le dépistage de la tension artérielle et du cancer de la bouche, nous avons la possibilité de sauver des vies. » Mme Maitland a raconté qu’après avoir évaluer ses patients du RCSD elle a pu les orienter vers des médecins après avoir détecté des signes précoces de maladies graves.
Le dernier intervenant, Jaro Wojcicki Jr, denturologiste à Penetanguishene (Ontario) et actuel président de l’Association des denturologistes du Canada, a fait part de l’impact du RCSD sur ses patients.
« Beaucoup de mes patients ont longtemps lutté contre les dures réalités des obstacles financiers aux soins dentaires. Imaginez que vous portiez un dentier, le même dentier mal ajusté, et que vous le portez pendant plus de 40 ans parce que vous n’avez pas les moyens d’en acheter un nouveau. C’est quelque chose que je vois tous les jours. Pour ces personnes, le simple fait de manger, de parler et de sourire sans douleur ni gêne semblait être un rêve lointain. Cependant, le RCSD a transformé ce rêve en réalité et j’ai le privilège d’être le témoin direct de cette transformation… Lorsqu’ils ont appris qu’ils pourraient enfin recevoir ces nouvelles prothèses dentaires sans avoir à assumer le fardeau financier, le soulagement et la joie qui se lisaient sur leurs visages étaient indescriptibles. Ils pouvaient à nouveau manger leurs plats préférés, parler sans gêne et sourire avec confiance », a déclaré M Wojcicki.
« En tant que denturologistes, nous avons accueilli le RCSD à bras ouverts à travers le Canada. Que nous acceptions les honoraires du RCSD ou que nous choisissions la facturation égale, notre objectif principal reste inébranlable : fournir à nos patients les soins dont ils ont tant besoin. Ce programme nous a unis dans notre mission d’améliorer l’accessibilité et la prestation des soins de santé bucco-dentaire. Il est très encourageant de voir l’ensemble de la profession s’unir pour une cause commune qui profite à tant de personnes. Le RCSD est plus qu’un simple plan. C’est une bouée de sauvetage », a déclaré Mme Wojcicki.
Mais selon certains membres de l’assistance au webinair ce n’est pas tout le monde qui soutient le CDCP. Le premier ministre du Québec est contre le programme malgré le fait que des milliers de Québécois se sont abonnés. En juin, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a écrit au premier ministre Justin Trudeau pour lui annoncer que la province se retirerait officiellement du Régime canadien de soins dentaires d’ici à 2026. Pour le Dr Doucet, « cela serait très préjudiciable aux personnes ordinaires de l’Alberta… Tous les programmes provinciaux sont de bien moindre qualité que le Régime canadien de soins dentaires. Les programmes provinciaux couvrent moins de personnes en raison de seuils de revenus plus restrictifs, ils couvrent moins de procédures et la couverture des frais est moins généreuse que ceux du Régime canadien de soins dentaires. »
Un autre membre de l’auditoire a fait remarquer que l’Association dentaire canadienne affirme que deux Canadiens sur trois ont une assurance dentaire. Le Dr Doucet a répondu : « Cela ne veut pas dire que les deux tiers des gens ont accès aux soins dentaires, car souvent, avec une assurance, les gens n’ont pas les moyens de payer la quote-part… même si 86 % des Canadiens ont consulté un dentiste au cours des deux dernières années, cela ne veut pas dire qu’ils ont accès à des soins de régulière. »
Le Dr Lee souhaite que les prestataires de soins bucco-dentaires fassent preuve de plus de compassion. Il ajoute : « Lorsque vous voyez de nombreux patients arriver dans votre fauteuil dentaire avec plusieurs dents manquantes, de grandes lésions, des infections, une maladie parodontale rampante et incontrôlée… Beaucoup de ces patients souffrent de douleurs, d’abcès et d’infections non pas depuis des jours ou des mois, mais pour certains d’entre eux, depuis des années. »
Jaro Wojcicki, le denturologiste participant au webinar, a décrit une situation similaire. « Personne n’a regardé dans leur bouche, ni médecin, ni dentiste, ni hygiéniste dentaire, personne, depuis des décennies. Ces patients viennent enfin, non seulement pour obtenir une nouvelle prothèse, mais aussi pour que quelqu’un regarde dans leur bouche », a déclaré M. Wojcicki.
« Il faut faire preuve d’humilité pour se mettre à la place des personnes qui n’ont pas accès aux soins dentaires », a ajouté le Dr Doucet. « Nous devrions regarder nos concitoyens qui n’ont pas accès aux soins et nous indigner… comme si l’un des membres de notre famille était dans cette situation ».