Le Canada refuse d’accorder l’accès aux soins de santé aux migrants en situation irrégulière
La Coalition canadienne de la santé a appris que le Canada n’accordera pas l’accès aux soins de santé aux migrants en situation irrégulière comme le recommande le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Cette recommandation du Conseil des droits de l’homme des Nations unies se base sur le résultat d’une plainte déposée par Nell Toussaint auprès du Conseil. Nell Toussaint est une femme de la Grenade, qui a perdu son statut pour rester au Canada et qui s’est vue refuser l’accès aux soins de santé. Mme Toussaint a soutenu que le Canada avait violé ses droits à la vie et à la non-discrimination.
Dans une décision historique rendue en 2018, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a donné raison à Nell Toussaint et a ordonné au gouvernement canadien d’accorder des soins de santé essentiels aux migrants en situation irrégulière. Le Canada a refusé et Mme Toussaint a saisi la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour que le gouvernement canadien cesse de refuser aux migrants en situation irrégulière l’accès aux soins de santé.
Ce procès se poursuit aujourd’hui, mais sans Nell Toussaint. Le 9 janvier 2023, Nell est décédée à l’âge de 54 ans, après s’être vue refuser l’accès aux soins de santé en raison de son statut d’immigrée, selon ses défenseurs.
Née à la Grenade, Nell a grandi à Trinidad. Elle s’est installée au Canada à l’âge de vingt ans, et a travaillé comme femme de ménage, gardienne d’enfants et ouvrière d’usine. Elle a fini par devenir une migrante « irrégulière », perdant son statut pour rester au pays.
Lorsque Nell est tombée malade, elle s’est vue refuser des soins de santé parce que le Canada n’accorde pas de soins de santé publics aux migrants en situation irrégulière. Elle a essayé d’obtenir une assurance maladie auprès de la province de l’Ontario et du gouvernement fédéral, mais cela lui a été refusé. Son état s’est aggravé et elle est morte, subissant un préjudice irréparable du fait qu’on lui avait refusé des soins de santé en temps voulu.
Au début de l’année, les défenseurs de Nell, notamment la Coalition canadienne de la santé et les organisations de défense des droits de la personne, se sont mobilisés en faveur de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Les défenseurs de Mme Toussaint ont appelé le gouvernement canadien à accepter les recommandations les plus récentes formulées lors du récent examen périodique universel du Canada au Conseil des droits de l’homme des Nations unies : garantir l’accès aux soins de santé sans discrimination fondée sur le statut d’immigrant et mettre pleinement en œuvre la décision du Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU).
Nell Toussaint c. Canada CCPR/C/123/D/2348/2014 (30 août 2018)
Dans sa réponse à l’examen périodique universel (EPU), le Canada a déclaré :
Les sans-papiers au Canada ne sont pas éligibles au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ou à l’assurance maladie provinciale/territoriale. Une couverture discrétionnaire du PFSI peut être fournie dans des circonstances exceptionnelles aux personnes se trouvant dans des situations similaires à celles des réfugiés, à condition que ces personnes soient également confrontées à des circonstances médicales personnelles contraignantes et urgentes. En outre, les personnes qui demandent l’asile ont droit au PFSI jusqu’à ce qu’elles obtiennent le statut de résident permanent ou qu’elles soient renvoyées.
Selon Emilio Rodriguez, analyste politique pour les droits des réfugiés et des migrants chez Citizens for Public Justice, membre de la Coalition canadienne de la santé : « Pour satisfaire aux exigences de l’EPU et à l’esprit de la Loi canadienne sur la santé, qui prévoit l’accès aux soins de santé pour tous les résidents, les gouvernements fédéral et provinciaux devraient donner la priorité à deux actions. Premièrement, mettre en œuvre des voies de régularisation permettant aux migrants irréguliers et aux travailleurs étrangers temporaires de devenir des résidents permanents, afin qu’ils puissent accéder à des services essentiels tels que les soins de santé. Deuxièmement, supprimer les obstacles à l’accès des travailleurs migrants et des migrants en situation irrégulière à la couverture des soins de santé publics. »
Les défenseurs de cette cause affirment que tous les migrants devraient pouvoir bénéficier d’une couverture médicale complète dès leur arrivée, sans être liés à leur statut professionnel ou à leur employeur, et ce pendant toute la durée de leur séjour au Canada.
Y.Y. Chen, spécialiste juridique des soins de santé et de l’immigration à l’Université d’Ottawa, soutient que la Loi canadienne sur la santé doit mettre fin aux périodes d’attente prévues par les régimes provinciaux d’assurance maladie pour les nouveaux résidents, car elles nuisent à leur santé.
Dans la mesure où la période d’attente est censée décourager ce que l’on appelle le “tourisme de santé”, il n’y a actuellement que peu de preuves que le tourisme de santé est une préoccupation sérieuse au Canada », affirme M. Chen. « Tout ce que fait la période d’attente, c’est retarder l’accès des gens à des soins médicalement nécessaires, ce qui augmente la pression sur les salles d’urgence et alimente la demande d’assurance maladie privée.
Le combat de Nell pour l’accès aux soins de santé pour tous continue d’être une source d’inspiration.
Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a voulu honorer Nell Toussaint et lui a rendu hommage à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs avec une affiche. Une affiche encadrée a été remise au premier président noir de la Chambre des communes du Canada, Greg Fergus, ainsi qu’à d’autres orateurs des divers partis politiques, ainsi qu’à la nièce de Nell Toussaint, Whendean Ghittens, lors d’une réception organisée par le SCFP et la Coalition canadienne de la santé dans le salon des présidents du Parlement, le 13 février.
Aubrey Gonsalves, vice-président du SCFP, chargé de la diversité et représentant les travailleurs noirs et racialisés, a pris la parole lors de la réception. Il a déclaré : « Il existe un principe fondamental dans le mouvement syndical : un préjudice pour l’un est un préjudice pour tous. Peu de personnes ont incarné ce principe de manière aussi significative que Nell ».
Traduction par Anne Lagacé Dowson.