Le besoin augmente alors que les patients attendent le programme dentaire
En quatre ans, de 2018 à 2022, 10 pour cent de moins de Canadiens et Canadiennes ont reçu des soins dentaires. Avec chaque appel téléphonique que nous recevons d’un parent, d’une personne âgée ou d’un(e) travailleur(euse) à faible revenu demandant s’ils sont finalement admissibles au nouveau Régime canadien de soins dentaires (RCSD), les arguments en faveur de l’universalité des soins dentaires n’ont jamais été plus solides.
En 2018, 75 pour cent des Canadiens et des Canadiennes ont consulté un(e) dentiste et 22 pour cent ont évité d’avoir accès à des soins dentaires en raison des coûts. Selon un nouveau rapport de Statistique Canada, en 2022, seulement 65 pour cent des Canadiens et Canadiennes ont consulté un(e) dentiste et 24 pour cent ont évité d’avoir accès à des soins dentaires en raison des coûts. Bien que ces statistiques montrent une diminution de l’accès aux soins au cours des dernières années, ce sont des tendances qui existent depuis quelques décennies, en raison des tendances dans le secteur privé et public.
Dans le secteur privé, moins de personnes bénéficient d’une assurance dentaire liée à leur travail. Avec la diminution de la syndicalisation, le travail est devenu plus précaire et moins d’employeurs offrent des avantages comme l’assurance dentaire. Parallèlement, de nombreuses personnes âgées prennent leur retraite et perdent leurs avantages sociaux, comme l’assurance dentaire dont elles bénéficiaient autrefois. Par conséquent, en 2022, seulement 55 pour cent des Canadiens et des Canadiennes avaient une assurance dentaire privée et 35 pour cent d’entre eux (elles) n’avaient aucune assurance dentaire, qu’elle soit publique ou privée.
Alors que moins de Canadiens et de Canadiennes ont accès à une assurance dentaire liée au travail, près de la moitié d’entre eux (elles) vivent d’une paie à l’autre. L’inflation, la stagnation des salaires et la hausse du coût de la vie font en sorte que les Canadiens et Canadiennes ont moins de revenu disponible pour payer de leur poche leurs soins dentaires.
Alors que les Canadiens et Canadiennes font face à des difficultés croissantes pour accéder aux soins dentaires par l’entremise du secteur privé, ils ont également constaté une diminution du soutien envers les programmes dentaires publics. Au Canada, les dépenses publiques en soins dentaires ne représentent que six pour cent des dépenses totales en soins dentaires, ce qui nous place à l’avant-dernier rang parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous nous situons même derrière les États-Unis qui contribuent dans une proportion de 10 % aux dépenses totales en soins dentaires, et derrière des pays comme l’Allemagne et le Japon, dont le taux de dépenses publiques en soins dentaires représente respectivement 58 % et 78 %.
Le Canada n’a pas toujours obtenu des résultats aussi médiocres en matière de dépenses publiques en soins dentaires. En 1980, les dépenses dentaires publiques représentaient 20 % des dépenses dentaires totales. Alors que les dépenses dentaires publiques se sont érodées dans les décennies qui ont suivi, la qualité des programmes dentaires publics a également diminué. Les programmes qui étaient autrefois pour tous les enfants ne sont maintenant destinés qu’aux enfants à faible revenu. Les programmes qui avaient autrefois une couverture relativement complète ne couvrent maintenant que les urgences (p. ex. les extractions). Et les programmes qui payaient autrefois des frais comparables aux régimes privés paient maintenant la moitié de ce que paient les régimes privés, ce qui fait que les gens qui comptent sur ces programmes ont du mal à trouver un dentiste qui les acceptera.
Compte tenu des difficultés croissantes auxquelles les Canadiens et Canadiennes sont confrontés pour accéder aux soins dentaires, le Régime canadien de soins dentaires (RCSD) est désespérément nécessaire. Le RCSD devrait couvrir les personnes sans assurance privée qui ont un revenu familial inférieur à 90 000 $ par année. Le plan garantira également l’absence de copaiements pour les familles dont le revenu annuel est inférieur à 70 000 $. D’ici la fin de 2023, le RCSD devrait être étendu aux personnes de moins de 18 ans, aux personnes âgées et aux personnes vivant avec un handicap et devrait couvrir près de 9 millions de personnes avant les prochaines élections fédérales en 2025.
Le budget fédéral de 2023 prévoyait 13 milliards de dollars sur cinq ans pour le RCSD et 4,4 milliards de dollars sur une base continue. Ces montants augmenteraient la part du Canada en matière de dépenses dentaires publiques en proportion des dépenses dentaires totales, à environ la moyenne des pays de l’OCDE, soit 25 à 30 pour cent. Bien que cela représente sans aucun doute un progrès, il faudra faire davantage pour garantir l’accès aux soins dentaires.
Étant donné que nous avons déjà vu les programmes dentaires ciblés s’éroder dans les décennies qui ont suivi leur mise en œuvre, nous devrions également nous préoccuper de ce problème avec le RCSD. Les programmes ciblés ont tendance à susciter du ressentiment de la part des gens qui contribuent au programme par le biais de leurs impôts, mais qui ne reçoivent aucun avantage, donnant ainsi l’occasion aux politiciens de saper ces programmes ciblés.
Les programmes universels, en revanche, reçoivent un large soutien de la part de la société, et les compressions sont perçues comme une attaque contre la société dans son ensemble, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à ébranler. Si nous voulons que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès à des soins dentaires et que ce nouveau régime fédéral de soins dentaires ne s’érode pas avec le temps, le RCSD doit être la première étape vers un système universel de soins dentaires.