Le monde des affaires au Canada et au Québec se mobilise pour profiter de la crise dans le système de santé et s’accaparer des patients les plus riches et en santé
Environ 200 personnes (et 1 200 en virtuel) se sont réunies à Montréal le 23 octobre pour dîner et parler de la privatisation dans le cadre de la série de « forums nationaux » organisés par le Globe and Mail et commandité par l’Association canadienne des médecins au Cirque Éloize.
C’est le 2e d’une série de quatre événements de ce genre qui sont prévus et organisés par l’Association canadienne des médecins. Le 1er a eu lieu à Toronto et les 2 derniers auront lieu à Vancouver les 23 novembre et 25 janvier.
Présidés par les journalistes André Picard du Globe and Mail et Fanny Lévesque de la Presse, divers protagonistes de la privatisation au Québec ont pris la parole, interrompus par quelques médecins qui défendaient le secteur public, et deux patientes.
La « plus grande efficacité du secteur privé » n’est jamais démontrée
Lise Goulet de la Coalition Solidarité Santé qui était présente, a trouvé biaisé la prémisse de l’événement :
« Comment peut-on réfléchir de façon responsable à l’avenir de notre système public de santé et de services sociaux quand l’hypothèse de départ — la plus grande efficacité du secteur privé — est présentée de façon biaisée et n’est jamais démontrée », dit Lise Goulet. « L’absence de nombreux acteurs, notamment des services sociaux, nous apparaît être une autre entorse majeure de cette soi-disant démarche de consultation. »
Mme Goulet et les autres membres de la CSS qui y ont assisté ont posé des questions sur l’utilité du processus et le fait que de nombreux intervenants quittent le système public plutôt que d’essayer de l’améliorer. La privatisation, qui est présentée comme la solution, ne fait qu’aggraver les problèmes selon Mme Goulet et d’autres intervenants.
« Depuis plusieurs années, les investisseurs privés occupent une place grandissante dans le réseau québécois de la santé, et pourtant, les problèmes d’accès se multiplient et les coûts ne cessent de grimper. Pour la Coalition Solidarité Santé, la solution privée est plutôt le problème à résoudre. »
Depuis plusieurs années, les investisseurs privés occupent une place grandissante dans le réseau québécois de la santé et, pourtant, les problèmes d’accès se multiplient et les coûts ne cessent de grimper. Pour la Coalition Solidarité Santé, la solution privée est plutôt le problème à résoudre. »
Lise Goulet, Coalition Solidarité Santé
La Dre Isabelle Leblanc des Médecins québécois pour le réseau public (MQRP) a participé à un panel qui s’intitulait « Point de vue des médecins : Peser la décision de travailler dans les soins publics ou privés ».
« Discuter de la place du privé dans le système québécois de la santé, c’est un exercice nécessaire. Mais le faire en parlant d’équilibre et en mettant comme logo le privé et le public main dans la main, ça montre un parti pris, conscient ou non. »
Selon la Dre Leblanc, le processus de l’Association des médecins du Canada est biaisé.
« Vous présentez le privé comme une solution, mais l’AMC doit être au courant que le Québec est la province où il y a le plus de privé », dit-elle. « Le recours au privé n’a rien réglé des problèmes d’accès, bien au contraire, on est à la remorque par rapport à plusieurs provinces où les soins sont 100 % publics ».
L’AMC doit être au courant que le Québec est la province où il y a le plus de privé, et ça n’a rien réglé des problèmes d’accès, bien au contraire, on est à la remorque par rapport à plusieurs provinces où les soins sont 100 % publics
Dre Isabelle Leblanc, Médecins québécois pour le régime public
Le Québec est la juridiction avec le plus grand nombre de médecins, plus de 600, qui sont complètement désaffiliés du système public.
Selon les journalistes Tu Thanh Ha et Yang Sun du Globe and Mail, une série de décisions prises par le gouvernement du Québec a discrètement développé un secteur parallèle de soins de santé, financé par le secteur privé, qui va à l’encontre des idées reçues sur l’adoption par le Canada d’une médecine universelle.
Photo de couverture : Anne Lagacé Dowson, de la Coalition canadienne de la santé, se joint à des membres de la CSS à l’extérieur de l’événement parrainé par l’AMC et le Globe pour promouvoir la privatisation des soins de santé, le 23 octobre à Montréal.