La sécurité du système universel de soins de santé au Canada est remise en question
Pendant de nombreuses décennies, la population canadienne s’est enorgueillie de son système universel de soins de santé, et nos voisins du sud ont manifesté le désir de l’imiter. Or, un article récent d’une publication américaine expose l’écroulement du rêve de Tommy Douglas.
Taylor C. Noakes, pigiste et historien public vivant à Montréal, écrit dans Jacobin que les provinces « expérimentent » avec la participation accrue du secteur privé, tout en continuant à demander au gouvernement fédéral davantage de fonds venant du secteur public (des contribuables).
« Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déjà commencé à confier certaines interventions chirurgicales à ce qu’on appelle communément des ‘établissements de santé indépendants’, soit un euphémisme pour cliniques privées à but lucratif », souligne Noakes. Il ajoute qu’au Québec « des milliards de fonds publics se retrouvent dans des entreprises privées et à but lucratif de soins de santé. »
« Cela, par ricochet, alimente l’exode de personnel infirmier quittant le secteur public pour aller vers le privé, exacerbant ainsi le problème de la province à maintenir en poste des professionnels de la santé qualifiés. »
Noakes explique à son auditoire américain que le Canada a un large cadre fédéral qui « guide » la prestation des soins de santé publics, un cadre régi et administré par 13 ministères de la Santé provinciaux et territoriaux, et des ministères régissant de multiples systèmes indépendants d’assurances.
Il cite l’histoire du système de soins de santé du Canada, et le fait que les soins de santé sont un droit fondamental. Toutefois, au fil des ans, les soins de santé sont devenus la cible de réductions.
« Des réductions par les provinces… qui ont ensuite été suivies par des réductions supplémentaires aux paiements dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé, au début de 1995. »
Noakes fait référence à l’étude de 2016 de la Coalition canadienne de la santé démontrant un manque à gagner, dans le budget en santé, qui pourrait se chiffrer à 43,5 milliards $ d’ici 2024. Et cela était avant la pandémie de COVID-19.
Au moment où la pandémie a frappé en 2020, Noakes dit : « des décennies de réductions par les gouvernements ont gravement affaibli le système, à un point tel qu’une grande partie du système s’est effondrée. On peut dire que cela a entraîné la pire crise depuis que le régime d’assurance-maladie est devenu loi à la fin des années 1960.
Près de 30 % des personnes au Canada sont d’accord pour dire que le système de soins de santé est en situation de crise, souligne Noakes, « or, ils jettent le blâme sur… le financement fédéral inadéquat plutôt que la mauvaise gestion des fonds par les provinces. »
Le pire visage de la privatisation a été révélé, écrit Noakes, pendant la pandémie, « lorsque les établissements de soins de longue durée, en grande partie privatisés et à but lucratif… ont plié l’échine sous des circonstances horrifiantes, notamment employés quittant leur emploi, et résidents trouvés morts, affamés, ou assis dans leur propre fèces.
« Le Canada s’est retrouvé avec un nombre insuffisant d’équipements de protection individuelle, et avec l’absence d’usines de fabrication de vaccins ici au pays. »
Noakes conclut que, malgré le fait que la population canadienne ait accueilli avec enthousiasme le régime de soins dentaires géré par le fédéral, « le gouvernement fédéral… n’a presque rien fait pour changer le cours des décennies de sous-financement délibéré et de privatisation rampante. »
La question demeure : est-ce que la population canadienne va accepter la défaillance d’un système de soins de santé qui a été si cher à leurs yeux à une époque?
Lire l’article complet de Taylor C. Noakes dans Jacobin.