Soins de santé publics : cinq enjeux à suivre de près en 2023
La crise dans le secteur de la santé se poursuit, et on ne voit pas la fin de ce que les professionnels de la santé décrivent comme une tempête parfaite dans les hôpitaux, causée par un nombre grandissant de patients, des pénuries de personnel, et même des approvisionnements imprévisibles en médicaments.
Les nouveaux programmes et les nouveaux fonds promis par les libéraux se font encore attendre pendant que le premier ministre Trudeau et les premiers ministres provinciaux et territoriaux n’arrivent pas à s’entendre par rapport aux pourcentages et à la reddition de compte. Pendant ce temps, les sociétés privées à but lucratif reluquent les budgets provinciaux en santé comme des oiseaux de proie.
Cette année pourrait être une année où ça passe ou ça casse pour les soins de santé publics.
Voici cinq enjeux qui valent la peine d’être suivis de près en 2023 :
- Le premier ministre Trudeau rencontrera-t-il ses homologues provinciaux et territoriaux pour régler la crise dans le secteur de la santé?
La crise sanitaire va se poursuivre cette année, et sera renforcée par le conflit politique entre les premiers ministres qui demandent d’augmenter le financement et cela sans conditions, et le premier ministre Trudeau voulant une reddition de compte et le partage d’informations avant d’augmenter davantage les transferts en santé.
Pendant combien de temps encore le premier ministre Trudeau pourra-t-il refuser de répondre à la demande commune de ses homologues provinciaux et territoriaux qui veulent davantage d’argent pendant que les travailleurs de la santé s’épuisent et que les délais d’attentes se rallongent? La pression va s’accentuer sur le premier ministre Trudeau pour qu’il convoque une Réunion des premiers ministres pour parler des soins de santé, comme l’ont demandé les premiers ministres et le NPD fédéral.
Mais certaines brèches commencent à apparaître dans la coalition des premiers ministres. Le mois dernier, Tim Houston, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, a dit qu’il ne s’opposait pas à garantir les résultats et le rendement pour obtenir, du gouvernement fédéral, davantage de financement en santé.
2. Est-ce que Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé, va mettre en application la Loi canadienne sur la santé afin de protéger le système public de soins de santé?
Le ministre de la Santé du Canada est responsable de la mise en application de la Loi canadienne sur la santé, loi fédérale qui protège les personnes du Canada des frais d’utilisation et de la surfacturation tout en faisant respecter des principes essentiels, notamment l’accès universel aux soins de santé. Si les provinces ne respectent pas les dispositions de cette loi, le ministre de la Santé peut refuser de verser les transferts en santé aux provinces récalcitrantes, et cela peut potentiellement représenter des centaines de millions de dollars.
Le ministre Duclos va déposer son rapport annuel relatif à la Loi canadienne sur la santé devant le Parlement en février. Le rapport pourrait perpétuer l’approche « se conformer pour être accepté », adoptée par plusieurs anciens ministres de la Santé, ou le rapport pourrait déclencher une discussion nationale sur le manque de reddition de compte des gouvernements provinciaux par rapport au financement des soins de santé.
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- Les libéraux vont-ils (finalement) mettre en place une législation nationale sur l’assurance-médicaments universelle et des mesures de contrôle des prix des médicaments?
Dans le cadre de l’entente historique entre le Parti libéral et le NPD, le premier ministre Justin Trudeau a promis à Jagmeet Singh, chef du NPD, d’adopter la Loi canadienne sur l’assurance-médicaments d’ici la fin de 2023. Cette loi sera une étape essentielle dans la mise en œuvre de la couverture universelle des médicaments, longtemps promise, et telle que décrite par le conseil créé par les libéraux, notamment le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments, présidé, en 2019, par le Dr Eric Hoskins, ancien ministre de la Santé de l’Ontario.
Les compagnies pharmaceutiques, de concert avec l’industrie des assurances, se sont opposées au régime national d’assurance-médicaments et autres mesures pour contrôler les prix des médicaments qui, maintenant, coûtent autant que les salaires des médecins au Canada.
Elles ont réussi jusqu’à maintenant mais le gouvernement libéral minoritaire pourrait avoir de la difficulté à s’esquiver par rapport à ses engagements s’il veut demeurer au pouvoir avec le soutien du NPD.
- La Cour suprême du Canada va-t-elle rejeter l’autorisation d’en appeler de Cambie Surgeries Corporation par rapport à la décision de la cour relative à sa contestation judiciaire de la Médicare Protection Act de la C.-B.?
Les sociétés privées à but lucratif misent sur la crise dans le secteur de la santé et les délais d’attente plus longs pour les aider à renverser la décision du tribunal et à créer un système de soins de santé à deux vitesses. Le propriétaire de Cambie Surgeries, clinique privée à but lucratif à Vancouver, à contester la Médicare Protection Act de la province et a perdu sa cause devant les tribunaux de la C.-B. en 2020 puis a perdu en appel en 2022.
Cambie Surgeries a demandé à la Cour suprême du Canada une autorisation d’appeler de la décision du tribunal de la C.-B., et les experts s’attendent à une décision de la Cour suprême au début de 2023. Si l’appel est autorisé et que le tribunal décide en faveur de Cambie Surgeries, cela pourrait avoir des ramifications sérieuses partout au Canada.
- L’Ontario et la Colombie-Britannique vont-ils maintenir l’interdiction de rémunérer les donneurs de plasma?
L’annonce, l’été dernier, par la Société canadienne du sang, d’un contrat avec une multinationale qui rémunère les donneurs de plasma a choqué les experts en santé et sécurité, les défenseurs de la santé et les travailleurs de première ligne. En rappelant le scandale du sang contaminé dans les années 1990, Allan Rock, ancien ministre fédéral de la Santé, s’est tourné vers les médias pour souligner que la collecte rémunérée de plasma menacerait la confiance fragile du public dans le système canadien de collecte de sang basé sur les donneurs volontaires.
Il est permis de rémunérer les donneurs de plasma en Alberta et quelques autres province mais c’est explicitement interdit par la loi en Colombie-Britannique et en Ontario. La Société canadienne du sang dit que des failles permettent une relation commerciale avec les entreprises pour qu’elles s’établissent dans les provinces mais le ministre de la Santé de la C.-B. n’est pas d’accord, ce qui ouvre la voie à un affrontement en C.-B., et potentiellement en Ontario.